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Chroniques d'un vieux bougon
3 mars 2020

Vivre au village 02

vivre_au_village

Une séance de dédicaces au bureau de tabac-presse du village est toujours une aventure particulière où se retrouvent confrontés les adeptes de la lecture habitant au village depuis plusieurs générations et qui se souviennent avec mélancolie de l’ancienne tenancière, les clients de passage qui ne s’arrêtent que par hasard et sont bien éloignés des problématiques locales mais tiennent malgré tout à mettre leur grain de sel dans les discussions toujours vives et animées et les nouveaux venus qui, évitant le lotissement communal où de nombreuses parcelles demeurent en friches que les services municipaux débroussaillent consciencieusement deux fois l’an, ont "bâti" dans les hameaux alentours afin de profiter pleinement des plaisirs champêtres et que l’on appelle, avec un peu de condescendance, les "néo-ruraux".

Et organiser une telle manifestation en pleine campagne électorale pour la domination du futur Conseil Municipal relève, de plus, soit du masochisme parce les partisans de la liste "Vivre au village" s’opposeront inévitablement à ceux de la liste concurrente "Vivre ensemble", même si leurs arguments accommodés de sophisme et de mauvaise foi se ressemblent beaucoup, soit d’une perverse manipulation d’un esprit mercantile qui voit là une belle occasion de profiter de l’affluence pour, sinon "créer l’événement" comme disent les publicitaires, mais au moins augmenter de manière significative les possibilités de vente.

Le débat enflamma en effet l’assistance partagée entre les nostalgiques des temps anciens où les paysans étaient encore majoritaires et savaient imposer la loi ancestrale du respect des anciens et de la terre et les "intrants", comme disent ces mêmes paysans pour désigner les engrais et divers produits phytosanitaires qu’ils déversent selon eux avec parcimonie dans leurs champs parce que " faut pas croire mais ça coûte" mais que les premiers estiment précisément trop importants et fort peu écologiques. D’ailleurs, remarqua la mère du boucher qui met toujours un point d’honneur à tenir sa place de doyenne, de mon temps, c’était pas comme aujourd’hui où n’importe qui venu d’ailleurs peut voter des règlements qui ne le concernent pas, le Conseil était tenu par les agriculteurs eux-mêmes qui savaient, eux, ce qui était bon.

Si on parle des chemins, confirme le futur ancien adjoint aux finances, avant, ils étaient plus ou moins nettoyés par leurs utilisateurs ; maintenant, pour faire taire les randonneurs de la ville qui se plaignent des ronces et des orties et répondre aux exigences de l’intercommunale et du Département qui veulent favoriser le tourisme, il faut le faire faire par les employés communaux et ça coûte ! Et l’épouse du futur ancien maire d’ajouter que du temps de son mari, il y avait encore deux ou trois agriculteurs au conseil et qu’il n’y en a aucun dans les deux listes en présence. Eh oui, confirme la mère du garagiste venue avec l’un de ses petits-fils qui a l’art de toucher à tout et affole sa grand-mère, les paysans ne font plus la loi chez eux ! Ils ne sont plus les seuls à vivre au Pays !

Ils n’y sont plus majoritaires, rétorque un parisien venu passer sa retraite auprès de sa vieille mère partie depuis dans un EHPAD. Ils ont vendu des terrains constructibles aux étrangers qui veulent continuer à vivre comme en ville, sans les odeurs de fumier à côté de chez eux, sans les produits poussés par le vent jusque sur leur terrasse et sans les meuglements des vaches qui passent quatre fois par jour devant leur porte. Après tout, remarque un cycliste de passage, c’est bien normal qu’ils recherchent la tranquillité les deux jours de la semaine où ils ne travaillent pas. Et le candidat à la terrible fonction de premier édile de conclure : ce qu’il faudrait, c’est que chacun se parle ; le paysan prévient les voisins du jour du traitement de ses cultures et les voisins peuvent ainsi rentrer leurs enfants à la maison pendant ce temps-là.   

De toute façon, marmonne entre ses dents l’ancien garde-champêtre à la retraite en calant son béret sur sa tête et son Écho Populaire sous son bras, j’m’enfiche ! J’aime pas les enfants. On voit par-là que tant progresse le progrès qu’à la fin, il remplacera bientôt l’avenir du futur.

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Commentaires
L
Cher Vieux Bougon, il se dit qu'il se pourrait que les élections municipales disparaîtraient au profit des Communautés de communes. Si cela s'avérait, le glas sonnerait pour les échanges citoyens pré-votes 😢
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L
Chez nous on bétonne à tout va...
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F
Merci Roland pour ce billet d'actualité. <br /> <br /> Chant du coq, odeur de fumier, et volées de cloches sont tout à fait tolérables et sans risques ; ils me manqueraient. <br /> <br /> Par contre, produits pulvérisés poussés par le vent, nuages de poussières imbibées de traitements depuis les premiers épandages de fin d'hiver jusqu'aux derniers déchaumages de fin d'automne, laissent de moins en moins de répit à nos poumons bien obligés. J'en souffre..., probablement pas autant que nombre d'agriculteurs plus exposés encore. <br /> <br /> Nous manquons cruellement d'échanges sereins sur ces sujets..., mais "L'amour est dans le pré" et son animatrice Karine Le Marchand vient d'ouvrir le grand débat qui certainement nous sauvera... ! ( https://impactons.debatpublic.fr/ ) <br /> <br /> Bonne journée Roland
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