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Chroniques d'un vieux bougon
10 mars 2020

Vivre au village 03. Partager le chacun pour soi.

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La bataille électorale bat son plein au village. Deux listes en présence. Celle de l’opposition rafraîchie ou rajeunie par quelques nouveaux arrivants atteints de dynamisme aigu qui rêvent  d’apporter un vent nouveau à la vie collective qu’ils jugent assoupie et encore trop marquée par les coutumes paysannes d’antan. Et celle qui abandonne un encore large espace à l’équipe dirigeante en fin de parcours et qui espère ainsi ne pas décourager les anciens, de plus en plus nombreux dans le collège des votants. Hélas, l’heure n’est pas aux grands meetings de douze personnes dans la salle des fêtes, coronavirus oblige. On se contentera d’un dépliant publicitaire avec la photo couleur des impétrants réunis devant un décor champêtre et mettant pour l’occasion les dents à l’embellie.

Les vraies réunions se tiennent en réalité au bureau de tabac-presse dans la plus joyeuse convivialité. Et de comparer le "programme" d’un tel qui veut désenclaver le bourg par le goudronnage du chemin de terre qui relie la résidence secondaire de l’avocat parisien, second sur la liste A et l’ambition d’une telle, sur la liste B, qui propose de fleurir l’allée qui conduit du petit lotissement de maisons pour personnes âgées financées par le Département à la boulangerie-épicerie de dépannage à deux pas de l’ancien presbytère aménagé en cabinet du médecin. Des voix se font entendre bien sûr pour reprocher à ces dépensiers des deniers publics de vouloir encore investir dans l’embellissement du bourg au détriment des hameaux qui manquent cruellement de trottoirs et d’éclairage public.

Justement, s’exclame la mère du garagiste du Lac, ils pourraient bien faire des économies en éteignant les lampadaires de dix heures du soir à cinq heures du matin pendant que tout le monde dort ! Y’en a qui travaillent, rétorque l’infirmière qui travaille de nuit à l’hôpital de la ville voisine. Et tu y vas à pied ? Ben non ! Alors, tu allumes les phares de ta voiture ! Ben oui ! D’ailleurs, ajoute le professeur d’université à la retraite qui s’est reconverti dans le comptage des oiseaux, toute cette pollution lumineuse perturbe le vol de grues et des oies sauvages ; même les étourneaux se détournent maintenant de chez nous !

Oui eh bien ce n’est pas plus mal, intervient le fils de l’ancien maire, agriculteur à son tour et à qui personne n’a proposé d’être sur une liste. Parce que, tous les ans, les étourneaux me mangeaient la moitié de mes semis de blés d’hiver : maintenant je peux semer moins serré. Moi, coupe la pharmacienne installée depuis toujours dans l’opposition au conseil municipal, je voterai pour ceux qui veulent aménager un vrai parking devant chez moi. Les gens se garent n’importe comment et un jour, il y aura un accrochage, vous verrez ! Dans ce cas, rigole le garagiste venu récupérer sa mère qui a du mal à marcher, moi, j’aime bien quand les voitures ont des accrochages ; tant qu’il n’y a pas de blessés !

C’est à ce moment qu’entre le patron du café-restaurant de la place de l’église. Il vient d’entendre à la radio que le coronavirus est enfin entré au Pays ! Au moins, maintenant, on est comme tout le monde ! Et pourquoi on serait comme tout le monde ? le coupe la tenancière des lieux exfiltrée de sa Martinique natale dans les bagages d’un ancien ingénieur des Ponts et Chaussées. Mais personne n’ose ajouter quoi que ce soit de peur d’être considéré comme un raciste sinon même, pire encore, un misogyne ! En fait, remarque la boulangère passée en coup de vent, à vous entendre tous, c’est surtout du chacun pour soi, ces élections. Oui, mais à la campagne, on sait partager le chacun pour soi, conclut doctement le professeur d’université. De toute façon, bougonne l’ancien garde-champêtre à la retraite, en calant son béret sur son crâne chauve et son journal sous son bras, j’aime pas partager !

On voit par-là que tant va le progrès qu’à la fin, il rejoint l’avenir du futur.    

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Commentaires
A
"Partager le chacun pour soi" c'est aussi très à la mode sur les réseaux sociaux du Net, avec cet avantage, considérable en ces temps d'épidémie, qu'il n'est pas nécessaire de quitter ses pantoufles pour aller déposer son billet d'humeur dans une urne !
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R
drôle et spirituel, comme bien souvent
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L
Vivement que tout ça soit terminé, je parle des élections bien sûr.
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