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Chroniques d'un vieux bougon
26 janvier 2021

Du virus au cosmos.

cre2

Tierce a sonné à l’église du village lorsque je pose le redoutable essai de Gérard Bronner qui traite de L’Apocalypse cognitive* qui, selon lui, menace nos cerveaux de plus en plus accaparés par les écrans et à laquelle participe par d’ailleurs la présente chronique. À la radio, Christian Merlin rapporte une anecdote à propos de l’Orchestre Philarmonique de Berlin alors dirigé par Herbert Von Karajan avant de lancer le finale de la neuvième symphonie en ré mineur de Beethoven. Il est temps pour moi d’aller saluer, comme chaque matin, les arbres de mon courtil.

Mes pas me conduisent comme d’habitude au pied des acacias qui font un premier rempart aux vents d’ouest si souvent porteurs des tempêtes océaniques. D’une antique borie que j’avais douillettement aménagée pour un couple de chèvres naines qui ont rejoint depuis le paradis des caprins, jaillit à mon approche deux jeunes biches qui se faufilent en trois bonds dans le bois en contrebas ; il faudra que je pense à leur remettre une belle poignée de foin. C’est alors que je remarque dans l’herbe une intrigante tache claire. Il ne s’agit en réalité que de quelques plumes éparses, des plumes de geai sans doute, ils ont colonisé les frondaisons voisines. Vu les duvets agités par le soupir de la brise, la pauvre bête a dû servir de repas à quelque buse affamée ! La nature est impitoyable !

En effet, et à quelque étage où l’on se situe, de la molécule que les physiciens décortiquent en tous sens, aux virus envahisseurs et délétères qui créent tant de chambardements, courants marins qui charrient les bancs de plancton ou mécaniques célestes qui régulent les circonvolutions des galaxies et des trous noirs, la nature est incontournable. En 1927 et s’appuyant sur les équations d’Albert Einstein traitant de la relativité générale, le prêtre belge Georges Lemaître énonçait avec Alexander Friedmann la théorie du big bang qui explique que notre univers est homogène et de rayon croissant. Deux ans plus tard, les observations de l’astronome américain Hubble confirmaient que notre univers est en effet en expansion et grâce aux travaux d’Henrietta Leavitt, il pouvait même mesurer la distance qui sépare notre planète de la plupart des galaxies. Restait à déterminer à quelle vitesse se produit cette fameuse extension vers l’infini. Les chercheurs n’ont de cesse de se poser des questions ! Et c’est là que l’on voit que quel que soit l’objet étudié, la nature est aussi impitoyable qu’incontournable, la bataille fait en effet rage aujourd’hui entre les théoriciens qui élaborent des projections mathématiques d’une part et les observateurs qui ne peuvent qu’arpenter, toiser et jauger d’autre part.

La ménagère du département de la Creuse est passée maître dans l’art de composer le fameux gâteau aux noisettes et elle sait bien que lors de sa cuisson, (four à 160° pendant 35mn), celles-ci ont tendance à rejoindre les bords du moule à mesure que gonfle la pâte. Le même phénomène se produit avec les galaxies qui dansent leur sarabande au-dessus de nos têtes et plus elles s’éloignent de nous plus leur vitesse augmente. Hubble avait calculé une "constante" qui pose pour principe qu’une galaxie située à 3,26 millions d’années-lumière s’éloigne à la vitesse de 500km par seconde et qu’une située à 326 millions d’années-lumière s’éloignera à 50 000 km par seconde. Or il appert que les mesures établies à partir du télescope spatial dénommé Hubble en hommage à l’astronome semblent différentes des simulations spéculatives.  Qui a tort ? Qui a raison ?  

Certes, nul besoin de connaître la réponse pour couper six parts égales dans la pâtisserie et d’y mordre à belles dents autour d’une tasse de café alors que la brume du soir s’étend sur la campagne dissimulant tel un masque covidesque la face du ciel s’illuminant de mille et un lampions. Il n’est pas plus indispensable pour croquer la noisette de savoir à quelle vitesse ces mêmes lampions s’éloignent de notre petite planète perdue dans un cosmos aux flux aussi perpétuels que notre agitation terrienne. Mais il faut bien garder à l’esprit qu’en définitive, de la molécule ou du virus au cosmos lui-même, c’est encore et toujours la nature qui mène la danse. (* Apocalypse cognitive, Gérald Bronner, PUF)

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Commentaires
L
Merci pour cette chronique agréable à lire et toujours mêlée d'une bonne dose d'humanité, de contemplation et de culture. Ma mamie, qui est partie il y a quelques années dans l'"Un qui est tout", faisait un succulent gâteau aux noisettes. Il faut que je retrouve la recette afin de faire ce gâteau et repenser aux souvenirs gustatifs de mon enfance.<br /> <br /> Bien à vous,<br /> <br /> Le Hibou
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L
Merci de votre gentillesse mêlée de belle humanité :-)
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L
Cher Vieux Bougon, la vitesse transforme tout, y compris l'espace et le temps. Cosmos et virus, un drôle de mariage. Je rappellerai dans cette tribune que le mot "univers" vient du latin uni-, qui signifie "un" et de "versus", "tourné" et veut dire étymologiquement parlant, "tourné vers l'un" ou "l'Un qui est tout" ou le "Tout qui est un", ou quelque chose dans le genre, avec ou sans majuscules, d'ailleurs. Une définition qui met immédiatement en évidence un des nombreux problèmes qu'il pose. Alors, quand nous invitez-vous à la déguster cette tarte aux noix ?
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L
Fort intéressant de vous lire : j'apprends à poser le pied dans un cercle restreint de lecteurs qui aiment la bonne langue. C'est en effet toujours un grand plaisir que de découvrir ce que vous nous livrez ciselé comme un joyau précieux. J'apprécie votre introduction qui consiste à planter votre réflexion dans ce que vous contemplez tous les jours avec art. Non seulement vous aimez la nature, mais surtout elle vous sert de support pour ,laisser dériver vos pensées plus loin que ce spectacle journalier. Et là, vous nous emmenez dans l'infiniment grand, dans ces terres lointaines dont nous avons appris peu à peu qu'elles existaient et qui vous autorisent à digresser vers un inconnu spectaculaire dont on connaît de plus en plus ce qu'il est. Tout en ignorant encore beaucoup et dont nous n'aurons jamais la connaissance totale. <br /> <br /> Le plus étrange est que vous partez d'un gâteau aux noix, que vous évoquez les six parts découpées par la pâtissière de manière égale. Le quotidien relié à l'infini. Pour, prosaïquement, en revenir à l'insondable et aux réalités actuelles.
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L
Un riche goûter calorifique cette tarte.
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