Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
2 mars 2021

LA question

question1

Pour être honnête, j’observe le ciel d’un regard dubitatif : que nous réserve-t-il aujourd’hui ? J’avais fermé mes volets sur un ciel clair et relativement dégagé, la Grande Ourse tenait visiblement sa place et sa petite sœur aussi et au milieu de la constellation du Chien, Sirius faisait sa coquette, comme d’habitude, mais à l’opposé, la lune, en phase croissante, se masquait derrière un halo de brume. Ce matin, un ciel grisâtre traversé des appels rauques des grues et des oies sauvages qui remontent vers le nord et une lumière du jour encore hésitante maintiennent dans un silence prudent merles, rouges-gorges et chardonnerets au creux des châtaigniers et des bouleaux. Pleuvra-t-il ou ne pleuvra-t-il pas ? Ou plutôt devrai-je une fois de plus demeurer confiné ? Telle est la question !

J‘avais envisagé une baguenaude dans le bois en contre-bas de mon courtil jusqu’à une clairière où poussent des narcisses sauvages aux corolles d’une blancheur immaculée qui seraient du plus bel effet sur la table du salon et j’avais repéré pour le retour quelques violettes qui, dans une coupelle, diffuseraient dans la cuisine un délicat arôme champêtre. Peut-être même apercevrai-je le lapin qui illustre en ce moment le parterre de rosiers de ses petites crottes noires comme pour marquer son territoire. Mais est-ce que je ne risque pas, dans ce cas, une belle giboulée de saison ?

Certes, respecter un confinement me préserverait des aléas de la nature mais l’expérience montre qu’il convient souvent de réfléchir plus loin ! Les "experts scientifiques" qui inondent en ce moment nos écrans sont formels, la vitamine D dont nous sommes quelque peu sevrés en hiver éloigne l’ostéoporose et se révèle donc indispensable pour les vieux si souvent sujets à la décalcification des os. On en trouve bien sûr dans l’huile de foie de morue, le hareng fumé, le foie gras de canard et le travers de porc mais si les deux derniers ingrédients se trouvent facilement en nos contrées paysannes, l’absence d’océans et de pêcheries rendent les premiers plus difficiles d’accès alors qu’il suffit de s’exposer à la lumière du jour pour en nourrir son organisme. En un mot, quel est le danger le plus sérieux entre l’averse ou la fracture du col du fémur ? Sans oublier bien entendu la toujours terrible contamination covidesque !

Les admonestations étatiques qui recommandent de rester chez soi dans le but de limiter la propagation du maudit virus qui se déplacerait non pas tel un papillon butinant de fleurs en fleurs mais sur les mains et les postillons de tout un chacun, sont bien sûr contraignantes et nous ne manquons jamais une occasion de nous en plaindre. Nous vivons pourtant depuis toujours  confinés. La célèbre saga des Star Wars pourrait porter à confusion ; il faut toutefois garder à l’esprit que l’intégralité des séquences qui défilent sur les écrans, aussi formidables et dépaysantes soient-elles, ont toutes été tournées ou élaborées sur Terre. Une Terre certes préservée par la douillette bulle qui l’enveloppe et la protège des rayons les plus nocifs du soleil et de l’évasion dans l’espace infini de sa précieuse oxygène mais une Terre que l’on ne peut quitter sans risque mortel. Une Terre où nous naissons, vivons et mourront enfermés, reclus, cloîtrés, séquestrés, claquemurés, verrouillés, consignés, écroués, internés, en un mot confinés.

Mais une Terre par ailleurs si riche de vie qu’à force de pousser sur le périnée*, nous l’avons envahie jusqu’au moindre recoin. Au point d’oublier souvent que nous n’en habitons qu’une fine et fragile pellicule que nous exploitons et polluons en toute insouciance.

Se pose dès lors la question : la pandémie qui nous accable aujourd’hui ne serait-elle pas, en définitive, l’une de ces mauvaises frasques dont se délectent les Érinyes lorsqu’elles sortent de leur réserve érèbéenne ? (La part du colibri, Pierre Rabhi, éditions de l’Aube / La revanche de Gaïa, James Lovelock traduit par Thierry Piélat, éditions Flammarion / *Cinq dans tes yeux, Hadrien Bels, édition L’Iconoclaste)

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Il semble que nous ne soyons pas près de sortir de cette affaire covidesque. A force de tirer sur la corde, elle casse, dit le proverbe. Eh oui, nous sommes responsables de la destruction de la nature alors que c'est elle qui nous permet de vivre. L'homme est donc un sombre idiot qui ne voit que son confort et sa satisfaction immédiate.
Répondre
L
Le jardin, un bon remède.
Répondre
A
Les Erinyes n'en sont pas à leur coup d'essai. La Fontaine les accusait déjà :<br /> <br /> "Un mal qui répand la terreur,<br /> <br /> Mal que le Ciel en sa fureur<br /> <br /> Inventa pour punir les crimes de la terre," Il nous faut apprendre à vivre avec, ce qui est infiniment plus agréable au coeur d'un courtil verdoyant que dans l'antre des grandes villes. Je m'estime particulièrement privilégiée même si je dois recourir aux petites ampoules de vitamine D pour protéger mes vieux nonos dans leurs pérégrinations printanières ...
Répondre
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité