Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
2 avril 2021

Chronique rétro : 14 avril 2015

eglise_de_campagne

"Religare" : relier

Assisté, dans l’église de son village et en rare compagnie à la cérémonie d’inhumation d’un ancien collègue vaincu par le cancer. De son propre aveu, il n’était guère croyant mais il ne voulait pas aller à son enterrement tout seul, comme un chien. Il voulait du monde autour de lui, sa famille, ses amis, ses voisins ou quiconque assez charitable pour l’accompagner quelques pas sur le chemin de son éternité. « Et l’église est encore le meilleur endroit pour réunir tout ce monde », concluait-il dans un souffle.

Quoi qu’en pensent en effet ceux qui se croient athées, la religion avait aussi autrefois, et peut-être surtout, un important rôle social. Souvent contraignant parce qu’il était essentiel d’en suivre les règles sauf à accepter d’être plus ou moins écarté de la communauté. Il convenait ainsi de faire acte de présence à la messe du dimanche, d’écouter sans broncher l’interminable sermon du curé et de ne pas s’assoupir au point de ne se pas lever à l’heure de l’"ite missa est".  Mais rien ni personne ne vous obligeait à chanter les cantiques à gorge déployée et vous pouviez bayer aux corneilles en paix ou penser à tout autre chose qu’à votre salut éternel. Il y avait les usages et leurs innombrables non-dits et sous-entendus. Mais ils étaient délicatement enrobés d’une tolérance bonne enfant qui aidait grandement à les supporter. On n’appelait pas encore ces us et coutumes le "vivre ensemble" mais ils en tenaient lieu.

Puis vinrent avec les années soixante l’exode des ruraux vers les villes et leurs cités HLM et, surtout, la voiture pour tous. On entra de plain-pied dans l’ère du chacun pour soi et il n’était plus question de se soumettre aux vieux dictats venus du fond des âges. Les églises se vidèrent peu à peu. Certains sociologues prédirent même la mort à court terme des religions sous les coups de boutoir des bienfaits conjugués de la modernité et du progrès. Avec l’ouverture au monde et l’arrivée de la compétition à tout crin, l’individualisme forcené s’empare alors du pouvoir. Les méthodes les plus exotiques pour développer sa personnalité fleurissent sur les rayonnages des supermarchés. "Comment devenir soi", "Dynamiser son sur-moi en trois mois", "S’affirmer par la pensée positive". C’est l’ère de la quête obligatoire du bonheur personnel comme preuve tangible d’une existence unique.

Il n’est évidemment plus question de "croire" en quoi que ce soit. C’est absolument dépassé, caduque, suranné, voire archaïque sinon même antédiluvien. Une seule et unique religion est dorénavant acceptée sinon même obligatoire, la religion de la République et du Service Public : la laïcité. Elle a ses thuriféraires assidus toujours prêts à en découdre de tribune libre dans les journaux d’opinions en plateaux de télévision. Elle a ses gourous qui diffusent gravement leur doctrine à coup de petites phrases savamment orchestrées dans les médias. Elle a ses doctrinaires qui voudraient, sans attendre le départ de leurs vieux fidèles, faire définitivement table rase des anciennes croyances réputées liberticides. Elle a ses intégristes aux interprétations les plus restrictives qui n’aspirent qu’à exclure et interdire.

En un mot cette nouvelle religion pense et se comporte exactement comme toutes les religions du monde. Alors, assis sur mon banc de bois au dossier inconfortable, il me vient à rêver à l’époque où la religion était, comme son nom l’indique, un lien sinon entre le ciel et le croyant mais au moins, par la tolérance et l’ouverture aux autres, un lien reliant les hommes entre eux.

PS. Hélas aujourd’hui, cette fête de Pâques n’est plus guère prétexte qu’à un long weekend de repos et à une chasse aux œufs endiablée dans le jardin de Papy-Mamie.

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Tan va à l'eau la cruche qu'à la fin elle se casse... Aujourd'hui, on ne court plus la campagne en famille comme autrefois. C'est vrai que les églises se vident : la foi innocente de l'enfance a bel et bien disparu. Les citadins ne songent plus qu'à courir le monde, se rendre dans des lieux exotiques qualifiés de "paradisiaques", se faire croire pendant quelques jours qu'ils sont libres... Foin de regrets, nous appartenons à l'ancien monde...
Répondre
C
Tant de choses liaient les gens dans les campagnes : les veillées (qui avaient délà quasi disparu dans ma lointaine enfance), des travaux partagés comme les moissons, la messe dominicale que vous évoquez...Rien ne reste, sauf peut-être, en pays catholique, des associations paroissiales essentiellement féminines.
Répondre
L
Cher Vieux Bougon, face au désenchantement du monde, à sa perte de valeurs dites anciennes voire caduques, un seul antidote : l'humanisme ou plutôt l'avènement d'une société égalitaire, "voir en en tout homme un compatriote" comme le professait en son temps Montaigne. Sinon, nous deviendrons des barbares.
Répondre
A
Les rites nous habitent <br /> <br /> puis les rites nous quittent. <br /> <br /> On s’éternise un peu <br /> <br /> en pâles simulacres <br /> <br /> mais les matins de Pâques <br /> <br /> ont gobé tous leurs œufs
Répondre
L
En fait nous sommes chocolats !
Répondre
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité