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Chroniques d'un vieux bougon
29 juillet 2021

Le Roman d'Ulysse.

ulysse

L’été est par excellence la saison des grandes transhumances, les congés-payés descendent vers la mer, les rentiers leur maison de famille en province, les petit-enfants celle de leurs grands-parents assignés dès lors à résidence tandis que, comme toujours, les voyageurs au long cours poursuivent leurs rêves infinis. C’est ainsi que mon ami Jean-Paul, dit Porthos à cause de son tour de taille pantagruélique et professeur de grec ancien à la retraite, s’adonne-t-il régulièrement à la fouille de pierres antiques sous l’ardent soleil du Péloponnèse et autres îles de la mer Égée. Or voici que, cette année, il s’en vient se réfugier dans mon courtil blotti dans l’ombre verte de sa vallée perdue au cœur des Monts sous le prétexte que les touristes seraient désormais trop nombreux à fréquenter son terrain de jeu préféré. En réalité, et contrairement à Ulysse lors de son retour à Ithaque, c’est pour de basses raisons de santé et d’avancée en âge qu’il renoncerait à ses lointaines odyssées. Avec malgré tout dans la tête, la lancinante question : que deviennent les Héros au-delà de l’ultime chant de leur épopée ? Simone Bertière a esquissé une réponse à propos précisément d’Ulysse.

Souvenons-nous, vaillant roi d’une petite île de 118km2 guère peuplée de plus de 2 à 3000 habitants, des éleveurs de chèvres, des pécheurs et quelques maçons et menuisiers, Ulysse se trouve entraîné à contrecœur dans la fameuse guerre de Troie. Les faits, tels que les rapporte Homère, se seraient déroulés sur 10 longues années aux environs de l’an 1100 avant notre ère commune et seraient suivis des mésaventures d’Ulysse sur 10 longues années encore avant qu’il ne retrouve son fils Télémaque qui peine à affirmer son statut de roi, sa fidèle épouse Pénélope qui l’attend avec obstination et les horribles prétendants qui n’aspirent qu’à la mettre dans leur couche et à s’emparer de son or. L’issue du drame est claire, Pénélope reconnaît son homme sous les traits du mendiant qui se présente à elle, Télémaque s’empresse de monter un complot pour le rétablir sur son trône et les insupportables impétrants sont massacrés, un véritable carnage par ailleurs qui fera froncer les sourcils de Zeus lui-même qui n’était pourtant pas à çà près. Mais que va faire désormais Ulysse des jours et des années qui lui restent à vivre ?

D’abord, comme tout bon vieillard à l’approche du crépuscule, il raconte. Assis à ses côté sur le banc de pierre adossé au mur de la bergerie, Euphore, un jeune chevrier tout en bras et en jambe l’écoute religieusement comme tout bon petit-fils respectueux des anciens. Et Ulysse de rappeler la supercherie du célèbre cheval de bois qui ouvrit les portes de la cité troyenne et permit la tuerie de ses habitants, la colère des dieux qui reprochent à Ulysse sa duplicité et l’en tiennent pour responsable, ses déambulations maritimes d’île en île comme s’ils se jouaient de lui comme un enfant de sa peluche, ses rencontres avec la belle Calypso et la princesse Nausicaa, les plus belles nymphes et déesses du Ciel et de la Terre, les chaudes heures vécues dans les bras de Circé, les angoisses au milieu des tempêtes provoquées par Poséidon, sa roublardise face au cruel Cyclope et tant d’autres exploits qui justifient amplement les 12900 vers du poème de l’aède. Mais que se passera-t-il lorsque le dernier tombera, laissant le silence s’emparer de sa mémoire ? À force de ruse et de courage, il a bâti sa gloire qui, il n’en doute pas, passera de génération en génération à travers les siècles et par-delà mers. Mais demain, ou après-demain et encore après-demain, que fera-t-il en attendant qu’Hadès l’appelle en ses Enfers ?

Simone Bertière imagine que tandis que le jeune garçon réunit ses chèvres pour les traire et fabriquer son fromage, une idée germe dans la tête d’Ulysse. Une idée qui pousse et grandit tel un genévrier à la porte d’une borie et qu’elle va déployer en un livre réjouissant qui, loin des prétentions universitaires, pose avec bienveillance les questions essentielles sur la vie, la mort et la vieillesse dans une langue riche de poésie et d’humour. Un livre qui fait du bien. (Le Roman d’Ulysse, Simone Bertière, éditions De Fallois et L’Odyssée, traduction de Philippe Jaccottet, éditions La Découverte)

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Commentaires
L
Ce que vous en dites me pousse à acquérir ce livre. A condition que mon libraire l'ait en rayon.
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L
Bonne journée.
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