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Chroniques d'un vieux bougon
16 septembre 2021

Télétravail.

teletravail

Au début des années soixante du siècle dernier, l’arrivée dans les campagnes des catalogues de vente par correspondance suscitait une grande effervescence. Chacune y trouvait de quoi alimenter ses rêves sinon même se vêtir aux dernières élégances pour un prix mesuré. Mais l’exode rural était en marche et habiter en ville dans un immeuble à loyer modéré représentait alors une promotion sociale à cause du confort domestique que l’on ne trouvait pas encore dans les campagnes. Flâner dans les boutiques et, éventuellement, y acheter une petite robe à bas prix à l’approche de l’été devint alors du dernier chic et les catalogues tombèrent d’autant plus vite en désuétude que l’habitude se prit bientôt d’aller "faire ses courses" non plus dans l’épicerie du village ou du bourg voisin mais dans les supermarchés implantés dans de vastes zones commerciales à l’orée des cités.

Or l’arrivée dans les foyers de l’informatique et d’internet changea complètement les paradigmes. Il devint du dernier chic de compulser en ligne les attrayants étals virtuels des magasins et bien sûr d’acheter d’un simple clic en prévision de l’été la petite robe si seyante à l’écran. Dès lors, la maîtresse de maison trouva bien plus simple et plus rapide de "faire ses courses" le mulot à la main et d’aller retirer sa commande à l’arrière du supermarché de la ville voisine. Se faire livrer à domicile comme autrefois le courrier jusque dans les fermes les plus isolées ne demandait qu’un pas qui fut rapidement franchi. On peut, aujourd’hui, se faire livrer tout et n’importe quoi, du lave-linge bien sûr à cause de son poids et de son encombrement jusqu’aux pizzas les soirs de match à la télévision.

Mais la doxa bien-pensante n’accorde pas le même statut à tout ce qui peut s’acheter ainsi. Par la grâce de la pandémie de covid19, le certes fameux "clic and collect" est certes entré dans les mœurs et même vu comme un signe de modernité mais se faire livrer un livre à domicile est non seulement considéré comme une faute de goût mais vous désigne de plus à la vindicte publique comme un mauvais Français. Un livre ne peut s’acheter qu’en librairie ! Le fait que votre courtil soit égaré au fond de sa vallée perdue au chœur des Monts n’entre pas en ligne de compte. Vous ne trouverez pas de livreur acceptant de vous y apporter votre pizza dans le quart d’heure qui suit votre commande depuis votre smartphone mais accomplir deux fois trois-quarts d’heure de route pour acheter un livre n’est pas considéré comme une excuse "valable". En un mot, la doxa est bienveillante envers les 55% de citadins et intraitable envers les 45% de campagnards. Et après, on s’étonne que des gilets jaunes se réunissent autour des ronds-points pour fustiger l’injustice qui les frappe !

Mais le progrès avance toujours, même si c’est pour revenir sur ses pas. Ainsi, le dernier en date à s’être invité est celui dit du télétravail. Il y a encore deux cents ans, le fermier et la fermière vivaient et travaillaient sur leur ferme, l’artisan installait sa famille à l’étage et son atelier au rez-de-chaussée, la couturière cousait dans sa soupente et l’horloger fabriquait ses montres et ses pendules sur la table de sa cuisine. Avec l’arrivée de la machine à vapeur, on inventa les manufactures puis les usines et les ouvriers durent quitter leur foyer au petit matin pour y revenir exténués à la nuit. Avec le télétravail, cet inconvénient disparaît et ce qui était ringard hier relève aujourd’hui de la dernière modernité, même si, en définitive, la société revient ainsi deux cents en arrière !

Mais le temps n’est pas encore venu où les gens de ménage logés en lointaine banlieue pourront astiquer à distance les bureaux des derniers cadres contraints au "présentiel" car tous les fronts ne bénéficient pas encore de cette onction sacrée qu’est la modernité tant ses voies sont définitivement impénétrables ! (Les chimpanzés et le télétravail, Pascal Picq, éditions Eyrolles)

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Commentaires
C
En effet, on a un peu oublié l'âge pré-industriel où l'on tissait à la ferme ou fabriquait des horloges. Grâce aux circonvolutions du progrès on y revient et apparemment c'est assez satisfaisant pour ceux qui peuvent en profiter
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A
Depuis le néolithique, homo sapiens, ce vieux nomade, ne s'interroge-t-il pas sur les bienfaits et le progrès que lui offrirait la sédentarisation ?
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L
Le bon vieux catalogue de Manufrance.
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