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Chroniques d'un vieux bougon
21 octobre 2021

De la roue au Yaka-faukon

yaka

Le ciel se montrant clément et les températures entrant dans le cadre des "normales saisonnières", un couple de jeunes retraités s’est enhardi à vélo dans le chemin de randonnée qui longe mon courtil. Bardés et harnachés comme des joueurs de hockey sur glace, ils toquent à la porte de ma cuisine d’un air penaud. Ma femme, dit l’homme avec un fort accent du nord, a dû rouler sur une grosse épine et son pneu avant est crevé. Hélas, nous avons oublié notre matériel de réparation. Pourriez-vous nous dépanner ? J’extirpe la râpe, la colle, les rustines et les cuillères du tiroir et, tandis que monsieur se bat avec la mécanique je devise tranquillement avec madame que, curieux comme un agent du fisc en patrouille, je submerge de questions. Vous venez de loin ? Que faisiez-vous avant ? Vous êtes venus de la Ville à bicyclette ? Non, répond-elle avec patience ! C’est trop loin de tout ici, nous sommes venus en camping-car…On voit par-là combien la roue fut vraiment une belle invention !

On a longtemps cru que l’idée en était venue à un manouvrier qui, las de porter des tablettes d’argile d’un bout à l’autre de sa ville de Ninive en Mésopotamie, avait étudié le manège des amphores tournant sur le plateau du tour de potier de son beau-frère. En réalité, il semblerait que nous la devons à un chef de chantier des mines de chalcopyrite dans les Carpates il y a 5500 ans. Las sans doute de fouetter les esclaves sous ses ordres sans que le tas de minerai augmente aussi rapidement qu’il le souhaitait, il consacra tout un weekend à bricoler dans son atelier sous les regards goguenards de ses voisins réunis autour du barbecue. Qu’est-ce que tu fabriques ? Viens avec nous ! Le lundi matin et malgré les quolibets de   l’assistance et l’étonnement jaloux de monsieur l’ingénieur lui-même, il attela deux ou trois esclaves à l’engin qu’il venait de confectionner de quelques planches et chevilles de bon bois. L’essai se révéla concluant et le patron, heureux de voir enfin ses objectifs réalisés, décida de généraliser l’usage de ce qui deviendra bientôt un charriot. Il n’imaginait sans doute pas que son initiative allait bouleverser le monde.

On savait sculpter des temples pour honorer les dieux et dresser des pyramides pour héberger les dépouilles des pharaons mais ces travaux gigantesques s’effectuaient à l’huile de coude et à la sueur d’échine. On allait dès lors non seulement transporter plus facilement les blocs de pierre des carrières jusqu’aux chantiers mais aussi se déplacer à moindre peine. Aux tombereaux tirés par des bœufs succédèrent bientôt des charrettes pour approvisionner les marchés en légumes bios puis des carioles pour emporter les maîtres jusqu’à l’église pour l’office dominical et des diligences pour relier les grandes villes entre elles. Jusqu’au jour où monsieur Cugnot mit au point sa machine à vapeur. Tout alla très vite ensuite. Henri Ford édifia de vastes usines d’où sortirent des milliers d’automobiles qui se répandirent par toutes les routes du monde. Les classes bourgeoises envahirent les plages du Touquet, Deauville et Biarritz et les congés payés les bords de Marne puis, grâce au train, les calanques marseillaises. Après l’électricité, le transistor et la pénicilline, l’homme n’avait plus rien à inventer, l’Histoire selon certains auteurs avait atteint son terme. Seule, peut-être, la fusée pourrait-elle un jour la dépasser en labourant l’espace de ses cargaisons de touristes. De nombreuses initiatives se relaient pourtant ici ou là pour tenter de réinventer la roue.

Ils avaient déjà découvert la meilleure manière d’obtenir de l’eau tiède et optimisé l’utilisation du fil à couper le beurre. Après s’être penchés sans relâche sur l’ouvrage, ils inondent aujourd’hui les écrans de télévision et les journaux pour expliquer doctement comment résoudre les problèmes du passé, améliorer le présent et préparer des lendemains qui chantent. Avec notre Yaka-faukon, disent-ils, les recettes ancestrales seront désormais obsolètes, les pratiques actuelles des experts en tout totalement dépassées et l’avenir du futur absolument radieux. En un mot comme en cent, votez Yaka-faukon !

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Commentaires
L
Ou alors votons "Ilfo le fer fer".
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