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Chroniques d'un vieux bougon
13 mai 2022

Guerre de l'eau.

guerre_de_leau

Aubade permanente des tjuk-tjuk des merles autour des taupinières qui illustrent la pelouse, perpétuelles chamailleries des geais dans les palisses, invariable jabotage des tourterelles entre fayards et châtaigniers, jacasseries incessantes des pies au sommet des bouleaux, roucoulades énamourées des ramiers dans les sapins et trilles passionnés du rossignol sur la plus haute branche du chêne. Qui a dit que la campagne est silencieuse ? Elle est en réalité traversée en permanence de concerts impromptus dont les partitions ne sont dirigées que par le seul bon plaisir des instrumentistes. Mais d’où vient alors ce "je ne sais quoi" qui laisse l’oreille dans l’expectative ? Comme s’il manquait un son à cette printanière symphonie pastorale !

Profitant de l’absence des randonneurs du troisième âge qui en ont fait leur terrain de jeu, je descends à pas tranquille le chemin qui longe mon courtil. Boutons d’or, moutardes sauvages et herbes à Robert tapissent le talus exposé au soleil ; seringats, joliment appelé jasmins des poètes, et orangers du Mexique parfument les haies de noisetiers où les fleurs des spirées et des boules de neige dessinent des nuages à la blancheur immaculée. La silhouette rousse d’un renard disparaît derrière les ronces du sous-bois, un pouillot intrigué m’honore d’un chiff-chiff joyeux mais un rouge-queue revêche m’insulte copieusement de ses grincements sonores. Et j’arrive à l’endroit où le modeste ru qui prend sa source quelques perches plus haut sur la colline traverse le sentier avant de se perdre dans les fougères en contre-bas.

Mais peu de ru aujourd’hui ! A peine un mince filet boueux serpentant entre les mousses et les ajoncs. La maigreur des pluies d’hiver aura eu raison de son impétuosité coutumière à cette période de l’année ; elle aura éteint la mélodie enjouée comme une ritournelle de vie qui accompagne d’ordinaire les récitals champêtres de printemps. La télévision nous montre des touristes heureux de jouir dès à présent du soleil au-dessus de leur tête et des restaurateurs satisfaits de l’affluence de leur clientèle sous leurs parasols ; ils font oublier l’herbe sèche des prairies, la glèbe craquelée et poussiéreuse des champs et leurs semis rabougris. Le paysan désespère de ne plus entendre sur ses cultures les scherzos endiablés des averses océanes. Comme disent les experts, le réchauffement climatique universel est arrivé !

Nous pouvons certes nous exclamer "que d’eau que d’eau" avec Mac Mahon à la vue des inondations de plus en plus fréquentes qui frappent nos contrées tempérées. Mais elles masquent plus qu’elles ne compensent les sécheresses de plus en plus longues qui s’y abattent. On avait cru les antiques guerres fratricides pour quelques arpents de terre égarées dans les limbes du passé. Nous avions tort, elles sont toujours d’actualité et de terribles images ébranlent nos certitudes et nos individualismes. Mais on se bat aussi pour une source, pour un lac, pour un fleuve qui donne accès à la mer. On se bat pour une retenue d’eau, pour un arrosage des cultures, pour un bidon d’eau au retour d’un puits perdu dans le désert. Parce que les sols sont désormais arides et que les enfants meurent de soif et de faim. La guerre de l’eau est là aussi.

Ne nous restera plus bientôt en ultime consolation qu’à écouter religieusement Hélène Grimaud* dans Les jeux d’eau de la villa d’Este de Liszt, les Brumes de Janacek, La Barcarolles n°5 de Gabriel Fauré, les fameux Jeux d’eau de Maurice Ravel et la fantastique Cathédrale engloutie de Debussy. En souvenir des jours d’antan où nul n’éprouvait encore le besoin de vider l’arrosoir sur les carottes primeurs et les radis roses. (*Water, Hélène Grimaud, Deutsche Gramophone.)

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Commentaires
L
Le murmure de l'eau empêche les petits poissons de dormir.
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M
Ce qui me met en colère, c’est de voir toutes ces surfaces agricoles occupées pas des autoroutes et des parkings. Chez moi, l’eau de mon toit va dans des puisards.<br /> <br /> Près de chez moi, il y a un parking de supermarché où on a laissé quelques bandes de terre de 1m de large pour y mettre des arbres. Ceux-ci par manque d’eau végètent et sont taillés sévèrement. On n’a pas d’ombre, mais il y a moins de feuilles à ramasser.
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M
Ce qui me met en colère, c'est de voir toutes les autoroutes et les parkings cimentés qui empêchent l'eau d’atteindre les nappes. L'eau de mon toit va dans des puisards..<br /> <br /> Près de chez moi, il y a un parking où on a laissé plusieurs bandes de terre de 1m de large pour y planter des arbres. Ceux-ci que je connais depuis 35 ans, végètent. Ce n'est pas le peu d'eau qui tombe à leur pied qui leur suffit. On compense avec une taille sévère mais il ne donnent pas d'ombre. Il y a moins de feuilles à ramasser.
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