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Chroniques d'un vieux bougon
29 janvier 2011

La chasse sauvage

La lumière du jour décline et je dois allumer l’antique lampadaire à abat-jour à franges posté au pied de mon fauteuil. Dans la cheminée, le feu s’est éteint, faute d’être approvisionné en bois. Dans la grande tasse de faïence ébréchée héritée de mon père, le chocolat est tiède à présent. Imbuvable. Qu’importe ? Je ne pouvais abandonner Barthélemy à son sort. Grâce à Dieu et à son démiurge, il a retrouvé son Aélys avant le mot fin ! Je vais pouvoir reposer le livre et reprendre une vie normale.

Il est en effet des livres qu’on ne voit pas, d’autres que l’on feuillette, d’autres que l’on survole. Il est des livres qui se lisent d’une traite et que l’on range ensuite pudiquement dans le carton destiné à la bibliothèque qui décore le club troisième âge de la ville voisine. Il est encore des livres qui se lisent lentement. Très lentement. Afin d’en sortir le plus tard possible. Ils attendent parfois quelques jours, jamais plus d’une semaine, sur la table du salon qu’on les empoigne à nouveau. Ils trouvent ensuite leur place sur l’étagère du bas. Á portée de main ! Il est aussi, parfois, des livres que l’on se hâte de lire pour se débarrasser de l’intrigue. Mais dès le mot fin, on les rouvre sans attendre pour s’y replonger vraiment. En immersion totale. Les romans de Laetitia Bourgeois, Les Deniers du Gévaudan, Le Parchemin disparu de maître Richard, Un Seigneur en Otage et La Chasse sauvage, (Éditions Privat), sont de cette classe.

Elle sait comme personne raconter la vie des petits paysans cévenols au quatorzième siècle. L’extrême pauvreté, la violence de la faim, de la peste ou de la guerre comme la tendresse et la pudeur de l’amour. Elle sait magnifiquement mettre ses connaissances d’universitaire médiéviste au service, non pas seulement d’une histoire, mais surtout d’un petit peuple qui revit, au jour le jour, entre ses lignes. Et le lecteur vit en réelle empathie avec ces hommes et ces femmes qui grattent, jusqu’à l’épuisement, une terre si ingrate qu’elle ne leur offre guère plus que le droit de survivre.

Elle fait dire à son héro, Barthélemy, un soir fatigue et de désespoir, que l’homme, tout compte fait, n’est jamais qu’un animal comme les autres. Ses seuls soucis sont de manger et de se reproduire. Cette humanité-là, hélas, est encore trop nombreuse. (© Roland Bosquet)

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Commentaires
L
Votre chronique m'a émue, et question plume, vous ne vous débrouillez pas mal non plus !<br /> Je n'ai qu'un mot à ajouter : merci !<br /> Laetitia Bourgeois
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