Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
21 novembre 2011

Burkina Faso

     Soirée au profit du Burkina Faso à l’initiative de l’association locale. Je retrouve, bien sûr, les personnes déjà rencontrées dans les entrepôts de la Banque Alimentaire du département lorsque j’y allais aider à décharger les palettes de conserves, fruits et légumes, pâtes et autres denrées. Les mêmes d’ailleurs qui animent le Téléthon, tiennent, ou plutôt, soutiennent, l’Épicerie Solidaire  du Secours Populaire, la Bourse aux Vêtements du Secours Catholique ou les distributions de repas des Restaurants du Cœur. Franches et cordiales congratulations, comment allez-vous ?, ta jambe te fait-elle encore souffrir ?, quand reviens-tu nous voir ? ... Plaisirs des retrouvailles après les mois de distance imposée par les circonstances. Nous nous comptons cinquante têtes chenues et brushing bleutés dans une salle de trois cents places. Le prix d’entrée est fixé à quinze euros et les organisateurs ambitionnent encore sortir un petit bénéfice pour financer leurs actions en Afrique.

       Inévitable discours du Président fort ému de devoir "causer dans le micro". « En vingt cinq années d’existence, notre association a permis le creusement d’un puits et l’installation d’une pompe, la construction d’un dispensaire avec fourniture de médicaments et celle d’une école avec des cahiers, des crayons et quelques livres. Tout cela représente près de cinq cents mille euros. Avec la recette de ce soir, nous espérions pouvoir financer l’achat de petites tables et de bancs pour les enfants. Merci pour votre présence et votre générosité.» Le chanteur local, tout de noir vêtu et rituel foulard rouge autour du cou, entre en scène à son tour. Il commence par une bluette bucolique de sa composition. Aimable. Encouragé par les applaudissements, il s’engage dans une chanson faussement anarchiste de Georges Brassens. Gentil. Il ne sait pas résister à ses amis et à sa famille et convoque le retraité d’Astaffort. Sympathique. Souvent faux mais sympathique. Mais, après tout, je ne suis pas venu écouter Roberto Alagna ! Pendant l’entracte, devant un jus d’orange facturé cinq euros en guise "de contribution volontaire à notre action de solidarité", les commentaires vont bon train sur l’utilité de tant d’efforts et d’abnégation. « Au moins, ces sous, on sait où ils vont ! » « Ils ne se perdront pas dans les méandres des administrations ! » « Ou dans les poches du petit chef de la région.» Ce n’est pas tout à fait faux, là non plus, mais ces réflexes poujadistes jettent une ombre trouble sur tant de belle philanthropie. Pourquoi donne-t-on ? Pour qui ? Vastes questionnements qui remontent, sans aucun doute, à la plus haute antiquité. Lorsque, au Moyen-âge, la mendicité au sortir des églises était une profession reconnue et la charité obligatoire, les rapports entre pauvres et riches étaient simples et clairs. « Je te tends ma main, et tu as l’occasion de racheter tes péchés. » « Je laisse tomber ma pièce dans ta sébile et je reconnais ta place dans la société. » Mais aujourd’hui, se mêlent trop étroitement raisons et déraisons d’état, objectifs personnels, âpretés diverses et authentiques sincérités. Où est ma place dans ce maelström ? Ne suis-je pas manipulé ? Mon geste, par ailleurs honnête, ne cache-t-il pas quelque remord ? Jusqu’à quel point ne suis-je pas complice d’un statuquo des États ou des grandes Institutions Internationales ? Mais ce n’est ni le lieu ni l’heure de se répandre en états d’âme. Dans les coulisses, l’invitée vedette se concentre avant de se jeter dans le rond de lumière au centre du plateau.

         Il y a quelques semaines, la silhouette noire de Joan Baez avait fait revivre des souvenirs. Tout aussi frêle et légère, celle, vêtue de bleu de ciel, de Nicole Rieu me fait, elle aussi, remonter les années jusqu’à cette après-midi de "fête de l’Écho ", le journal local du Parti communiste. Même voix, même présence, même sourire, mêmes couplets qu'alors. La beauté du ciel et de la mer, le visage d’enfant, la main tendue. Le refus de se laisser embrigader dans rets du show-biz et la volonté farouche de suivre son propre chemin, fut-il escarpé et semé d’embûches. Elle aurait dû confier le soin d’écrire ses textes à de véritables auteurs. Ses petits vers sont plutôt communs et un peu plats. Mais les mélodies sont plaisantes et savent flatter l’oreille. Parfois même, elles s’y incrustent.  Comme son refrain fétiche. "Je ne suis qu’une goutte d’eau et ne veux pas être une goutte-mouton ". Rien que pour cette belle image en forme de règle de vie, elle mérite d’être entendue. (© Roland Bosquet)

Publicité
Publicité
Commentaires
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité