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Chroniques d'un vieux bougon
7 novembre 2013

Preuve d'existence.

preuve_d_existence

        Sophie et Jacques, dit le Hibou à cause de ses lunettes rondes et de ses cheveux blancs en bataille, viennent de séjourner plusieurs semaines à Dublin où Sophie exposait ses vouivres dans une galerie de bonne renommée. Ils ont réuni, dimanche dernier, le Cercle des Vieux Gamins du Céladon dans leur appartement de la capitale régionale pour fêter leur retour. (Voir ma chronique du 23 juin 2011). La harpe d’Armelle Gourlaouën  accompagna bien évidemment le menu de cuisine traditionnelle irlandaise préparé par Sophie. Idéal pour les jours de Toussaint, l’irish stew et son roboratif  colcannon arrosés d’une pinte de Guinness y  tinrent la place d’honneur. Un modeste whiskey Jack Daniel’s devait clôturer le récit des péripéties qui accompagnent toujours les accrochages aux cimaises, même dans les meilleures maisons. Il échauffa surtout les esprits et ajouta du tonus à une âpre discussion qui s’installa alors. Le sujet était d’importance et digne de notre ami Jacques, ancien professeur de philosophie : un fait existe-t-il hors la preuve de son existence ? Au milieu des années soixante-dix,  je m’étais fait vertement prendre à partie par un historien universitaire de renom dont la charité chrétienne m’oblige, aujourd’hui, à protéger l’anonymat. Je prétendais en effet que des hommes de Neandertal auraient pu, non seulement croiser des femmes Cro-Magnon, mais aussi copuler avec elles. J’ajoutais même que cette copulation aurait pu produire ses fruits. Impossible, cher ami ! Les deux races étaient trop différentes. Tout cela relève de la fantaisie la plus délirante. Avez-vous d’ailleurs une preuve de ce que vous avancez ?  Pas de preuve, pas de fait ! Même si, par essence, l’existence précède la preuve ? Le dilemme poursuivrait sa course encore aujourd’hui si la preuve scientifique exigée n’avait été produite.  Cette rencontre impossible avait bien eu lieu. Les protagonistes avaient effectivement "fait crac-crac". Une naissance au moins s’en était suivie. On en arrive ainsi au paradoxe improbable où un vulgaire auteur à l’imagination fertile mais au bon sens bien accroché aux neurones avait eu raison contre un universitaire diplômé jusqu’aux yeux. Je soutiens donc, (et plus encore aujourd’hui qu’hier,) que l’absence de preuve de l’existence d’un fait ne prouve pas qu’il ne s’est pas produit. Sinon, on en viendrait à penser que ce fait n’existe qu’à partir du moment où la preuve est faite de son existence. Ainsi, une copulation portant ses fruits entre un mâle néandertalien et une femelle Cro-Magnon ne pourrait se produire que depuis la récente découverte de la preuve par l’équipe de scientifiques dirigée par la biologiste, entre autres titres, Svante Pääbo. Mais notre brave universitaire rétorquerait derechef que c’est impossible, puisque l’homme de Neandertal a disparu depuis longtemps ! Même si chacun a pu croiser dans son entourage au moins un survivant tout à fait ressemblant, il n’aurait, bien sûr, pas tout à fait tort. En réalité, le métier d’universitaire est un métier difficile. Il oblige régulièrement ses adeptes à "manger leur chapeau". Ce qui troublerait pour le moins la digestion normale de n’importe qui et perturbe manifestement la réflexion sereine d’un universitaire. On voit par là qu’il serait parfaitement déraisonnable de leur confier exclusivement la bonne marche du monde. Et ce d’autant plus si l’on souhaite qu’elle se produise un jour. Avec ou sans whiskey.

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