Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
24 janvier 2014

Les cloches sonnent, sonnent.

cloches1

       Mes voisins agriculteurs, Hélène et Sébastien, ont aménagé des chambres d’hôtes dans une vaste grange attenante à leur maison. Nombre de vacanciers avides de tranquillité et de paix y séjournent généralement une semaine, parfois deux, rarement plus. Ils n’en apprécient pas moins la convivialité qui règne chez mes amis, la simplicité d’une saine cuisine de terroir ainsi que les longues balades en forêt ou par les chemins creusés au cours des siècles par les bêtes et leurs charrois. Ils sont même étonnés de trouver parfois, au fond de nos combes perdues au cœur des Monts, ces moyens modernes de communication qu’ils pratiquent couramment dans leurs cités, internet et ses dérivés téléphoniques. Il ne leur viendrait pourtant pas à l’esprit de s’attarder tout un mois et moins encore toute une existence dans nos contrées. Le désert vert, comme disait l’un d’eux auquel je faisais découvrir les mille et une vies qui peuplent les collines. L’excitation de la ville leur manquerait rapidement. Ils bailleraient d’ennui à la vue des chardonnerets et des mésanges charbonnières qui viennent picorer les boules de graisse que je leur  dispose sur la terrasse. Ils ne remarqueraient pas le plumage chamarré du faisan qui vient marauder  auprès de la volière des pigeons dans l’espoir de grappiller quelques graines. Ils distingueraient encore moins le chapelet de petites crottes noires laissées par les lapins attirés par mes dernières laitues feuilles de chêne du jardin potager. Ils guetteraient par contre en permanence quelque signe du ciel leur donnant prétexte à partir, jetteraient de longs soupirs alanguis et téléphoneraient sans arrêt aux quatre coins du monde. Comme si le monde ne pouvait pas tourner sans eux ! Ils se mettraient à rêver à quelque expédition aux confins d’une grande ville, là où s’étalent, au milieu de leurs vastes parkings, des supermarchés aguicheurs, des galeries marchandes encombrées et des musiques criardes entre deux blagues de potache d’un bonimenteur mercenaire. Ils bouderaient même l’heure cruciale du repas et rechigneraient à s’asseoir sur le banc de chêne fabriqué par Sébastien lui-même dans un tronc couché par la grande tempête de solstice de 1999. Ils s’extasieraient poliment devant leur assiette mais ne toucheraient pas à la cuisse de poulet de la ferme et à sa fricassée de cèpes cuisinée par la maîtresse de maison  ou mangeraient du bout des lèvres leur part de râble de lapin mariné dans le cidre et entouré de ses Granny Smith  et ignoreraient le carré de gîte de bœuf sur son lit de poireaux, d’oignons et de carottes cuits doucement en pot au feu. Ils n’auraient plus qu’une seule et unique envie : manger des frites et du steak haché dans une cafétéria bondée de consommateurs énervés. En un mot, ils dépériraient. Rares sont donc les citadins qui quittent leurs appartements étroits et surchauffés pour prendre durablement maison à la campagne. (À suivre demain…)

Publicité
Publicité
Commentaires
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité