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Chroniques d'un vieux bougon
12 mai 2020

Relire La Mare au diable

 

mare

Il pouvait être tentant d’occuper utilement la si longue période de confinement covidesque en se lançant dans un grand chantier régulièrement victime d’une procrastination récurrente tel que le rangement du garage, le dépoussiérage des combles ou la peinture du salon. Il pouvait également être séduisant d’effectuer, enfin, un tri sévère dans la garde-robe, à gauche les vieilles chaussettes élimées depuis longtemps, les chemises à fleurs passées de mode et les pantalons que les années ont manifestement rétrécis à la taille et à droite ce qui pourrait encore convenir, sauf si une folle envie de dépense de compensation ne vous jette dans les semaines à venir dans les magasins enfin ré-ouverts.

Il pouvait aussi être de bon ton de commencer pour la énième fois la relecture de Proust pour ceux qui en auraient déjà feuilleté l’édition de la Pléiade posée bien en évidence sur leur étagère. Ou bien suivre plus humblement les conseils des guides de la bienpensance germanopratine et affronter, enfin, les grands auteurs unanimement reconnus tels que Gustave Flaubert et sa Madame Bovary, Émile Zola et ses dix-neuf derniers volumes des Rougon-Macquart ou, plus proche de nous, Michel Houellebecq et sa Carte et le Territoire.

Mais comme je suis un habitué de l’immersion campagnarde et de l’assignation à résidence pour cause d’éloignement au fond de ma vallée perdue au cœur des Monts, j’ai laissé mon quotidien s’écouler à sa guise et comme il en a coutume : visite matutinale aux arbres de mon courtil, bêchage, bouturage et repiquage au jardin potager et écoute de Mozart, Chopin ou Beethoven pour accompagner la lecture et l’écriture. C’est ainsi que le hasard a déposé entre mes mains La Mare au diable de Georges Sand, délaissé à tort depuis l’adolescence et ses obligations scolaire. Je m’y replongeai en désormais presque voisin tout en écoutant, bien sûr, les Nocturnes de Frederik Chopin avec Garrick Ohlsson au piano mais surtout les sonates, quintette et lieder de Franz Schubert, le compositeur de la nature romantique par excellence.

Car la chantre des paysans berrichons et l’auteur de La Truite épousent précisément les préoccupations qui animent notre époque : un refus du culte de la raison hérité du Siècle des Lumières qui aurait conduit nos sociétés vers l’industrialisation à outrance et tous ses méfaits au profit d’un abandon nostalgique sinon même rousseauiste entre les bras d’une dame nature "authentique" et bienveillante où l’Homme retrouverait, en hôte respectueux, sa place "naturelle". Ce ne sont, bien sûr, que vœux pieux.

Certes les agriculteurs tentent de pratiquer ce qu’ils appellent une agriculture raisonnée en ajoutant le moins possible d’intrants tels que les engrais et les divers traitements contre les "mauvaises herbes", les champignons et les insectes ravageurs parce que non seulement ça coûte comme ils disent mais aussi parce qu’il souhaitent préserver leur outil de production. Le jardinier et le cultivateur peuvent tout comme l’Homme en général et le citadin en particulier, se forger des idéologies pour donner sens à leur vie et se trouver une place dans le maelstrom qui les entoure, mais lorsqu’il s’agit de se nourrir, ils restent platement pragmatiques.

Pour le citadin en weekend dans sa maison de campagne ou pour le néorural qui a fait construire son petit pavillon sur son petit carré de pelouse, le rêve est de vivre au plus près des champs pour être au plus près encore de la nature. Mais comme l’un et l’autre ignorent tout des travaux de la terre, ils s’imaginent que la nature qui les entoure est aussi vierge qu’au premier jour. Ils exigent donc une nature naturelle, libre et épargnée de tout travail, une nature-mère qui nourrit et console, une nature que l’on peut humer, caresser, admirer sinon même vénérer. En un mot, une nature de chasseurs-cueilleurs.

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Commentaires
L
Cher Vieux Bougon, La mare au diable, cela me changera de la mare aux canards du mercredi. Et si Schubert eût été l'amant de George Sand, Chopin nous aurait-il ravis avec ses Polonaises ?😷
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C
"La mare au diable", c'est une idée...Je n'ai plus lu George Sand depuis mon adolescence, sauf l'histoire de sa vie et je l'ai croisée dans la correspondance de Flaubert.
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L
J'ai relu "le médecin de campagne", je vais relire "La mare au diable".
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