Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
3 mars 2011

Philippe Delerm

       Il se dit qu'un auteur écrit toujours le même livre, celui qui l'a fait naître écrivain. La métamorphose ne se produit pas nécessairement dès le premier opus. Parfois même, un grand nombre n'y suffit pas. Je ne parle pas pour moi qui n'ai point cette prétention. J'essaie modestement d'écrire des petites histoires où le lecteur éventuel pourra se retrouver et, qui sait ?, élargir son horizon. Philippe Delerm, qui a franchi le pas, semble quant à lui poursuivre inlassablement depuis "La Première Gorgée de Bière" la même quête des menus plaisirs. De ceux qui donnent tant de saveur aux petits bonheurs du quotidien. Il ne s'en écarte pas avec "Le Trottoir au Soleil". (Editions Gallimard)

       Pourtant, si la musique reste similaire, suave et élegante, une fragrance nouvelle se glisse entre les lignes. Imperceptible d'abord, masquée par l'agrément de retrouver ses cerises noires, ses lilas et ses figues mûres. (Ah ces mouillures-là!) Et puis voici que le monde de la rue se sépare en deux catégories : les regardés et les regardants. Derrière sa fenêtre, il constate qu'il s'inscrit dorénavent dans la seconde. J'ai connu, comme beaucoup d'autres, cette mutation. Je ne suis pas homme de la rue mais des champs et des bois. La sensation de n'être plus que spectateur reste identique. Et le chant clair et mélodieux de la fauvette qui zinzinule dans nos jardins en été acquière un prix ignoré jusqu'alors. La ronde des mésanges à tête bleue autour du bouquet de buis en chasse des moucherons qui gaveront leurs nichées devient digne du Palais Garnier. Ou, comme en ce mois d'hiver, les appels rauques des grues qui traversent le ciel en direction du nord, une annonce indéfectible du printemps, le côté ensoleillé du sentier. En fait, Philippe Delerm parfume ses pages de nostalgie. Effluves discrètes et métaphores distillées au compte-goutte. Il ne connaît pas la pesanteur.

           "A soixante ans, écrit-il, on a franchi depuis longtemps le solstice d'été". Certes ! Mais demeurent encore de belles panières de menus plaisirs à cueillir et à savourer en paix et sans remords. Parce que plus rien n'est à prouver et que rien ni personne ne dépend plus vraiment de vous. Parce que, de toute façon, le regard des autres passe sur vous sans vous voir, vous qui n'êtes plus dans la compétition. Et vous vous dites qu'ils devraient s'arrêter un instant et lire Philippe Delerm. D'autant que, concession au lecteur préssé, il prend soin de l'avertir que la gare Saint-Lazare approche et que le livre s'achève. Bien qu'il pourrait tout à fait se poursuivre à l'image d'une chronique sur un blog. (Roland Bosquet)

Publicité
Publicité
Commentaires
Chroniques d'un vieux bougon
Publicité
Chroniques d'un vieux bougon
Albums Photos
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité