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Chroniques d'un vieux bougon
4 août 2011

Lise de La Salle

     Dressée droite et sévère sur le seuil de la porte de la cuisine, Adèle ma chatte me fixe d’un œil réprobateur. Elle semble estimer inadmissible mon aussi long retard à lui donner accès à ses croquettes et à son coussin favori. Je ne suis pas assez bien réveillé pour me formaliser de ses reproches muets et lui ouvre la porte sans autre procès. Au fond du courtil, les chèvres naines me rappellent qu’elles attendent toujours leur friandise matutinale. Je les ignore. Dans les frondaisons du parc, les ramiers s’agitent en grand ramage. Comme s’ils apprenaient aux derniers nés l’art de voler de ses propres ailes. Le ciel est encore tout encombré de nuages poussés par un humide vent de couchant. Ici ou là, cependant, quelques taches de bleu tentent  de s’immiscer. Serait-ce signe de beau temps à venir ?

       Le Hibou et Sophie, qui ont dormi chez moi cette nuit, me rejoignent pour le petit-déjeuner. Pain maison apporté par Sophie, œufs brouillés et charcuterie autrichienne (pour Jacques), beurre salé et confiture de rhubarbe, café noir (un mélange de kwilu du Congo et de moussonné-malabar du Viêt-Nam) et thé vert ( du gyokuro de la région Uji au Japon). Le disque que nous avons écouté hier soir où Lise de La Salle interprète Bach, Busoni et Liszt est encore sur la chaîne et dans nos têtes mais nous laissons, ce matin, les mille contes de la campagne entrer à flots par la fenêtre ouverte. Non pas que Lise de La Salle ait démérité. Ses Fantaisie chromatique et fugue en mineur (BWV903) de Jean-Sébastien Bach sont à la fois d’une grande maturité et d’une belle fraîcheur. La toccata en majeur (BWWV912) est profonde sans les fastes pontifiants souvent entendus par ailleurs. Les prélude et fugue en mineur (BWWV543) ne manquent pas d’enthousiasme tout en évitant les éclats intempestifs. Elle nous offre un Franz Liszt habité d’une foi conquérante avec le Saint François de Paule marchant sur les flots (légende N°2 LW A219). Le sonnet de Pétrarque des années de pèlerinage (LW A55) est enlevé et peut-être plus séduisant encore que celui de Dino Lipatti. Quant à la danse à l’auberge du village (Méphisto LWA189), elle nous entraîne dans un tourbillon fort bien maîtrisé qui ne se perd pas dans les sonorités populaires chères à Béla Bartók. Lise de La Salle a déjà montré qu’elle savait interpréter les univers des Bach, Chopin, Mozart ou Rachmaninov. Espérons que l’âme torturée de Franz Liszt ne lui restera pas fermée. Nous attendons avec impatience son prochain opus (Naïve) qu’elle lui a fort justement consacré. S’attaquera-t-elle un jour à la Prédication aux Oiseaux dont la référence reste pour moi Anne-Marie Dubois ? D’un commun accord avec mes amis nous irons l’entendre à Brive la Gaillarde (Corrèze en Limousin) le 10 août prochain. Elle s’y produira avec l’orchestre de la Nouvelle Europe dirigé par Nicolas Krauze dans des compostions de Mozart, Haydn, Mendelssohn, Chostakovitch et Alexandre Benéteau actuellement en résidence en Limousin. Nous serons donc en excellentes compagnies.

         Le ciel ne s’est toujours pas dégagé de sa gangue de nuages lorsque la voiture de Sophie et de son Hibou s’engage dans le chemin qui conduit à la grande route. Ils m’ont abandonné, appuyée contre le dossier du canapé, une huile de Sophie représentant une invraisemblable vouivre jaillissant d’une combe perdue au cœur des Monts. La silhouette de ma maison semble se découper sur l’horizon et dans un recoin obscur les deux points verts qui flamboient sont indubitablement les yeux d'Adèle. (© Roland Bosquet)

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