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Chroniques d'un vieux bougon
14 janvier 2020

Un monde vertical.

vertical

À la radio, les duettistes Rodolphe et Émilie ne devraient pas tarder à entrer en pistes, sauf encas grève, bien sûr. Vous tisonnez vigoureusement les dernières braises qui rougeoient encore dans la cheminée et vous ajoutez une petite bûche de sapin bien sec tandis que votre chat César se lance dans son habituelle toilette matutinale. Vous ouvrez ensuite les volets des fenêtres donnant sur la terrasse et la blancheur de la pelouse de votre courtil tapissée de rosée vous fait cligner des yeux. Pourtant, çà et là, d’inopportunes protubérances marron vous narguent sans vergogne. Est-ce en voyant des taupinières illustrer les platebandes de son couderc que Sapiens eut l’idée d’un monde vertical ?

Il fallut à Homo Érectus et à ses descendants plus de deux millions d’années pour apprendre à marcher debout, à domestiquer le feu et à explorer la Terre. Devenu "pensant", l’Homme illustrera les parois de ses grottes de graffitis réalistes et ses longues soirées d’hiver de discours philosophiques. Il pourra dès lors s’agglutiner dans des villes, inventer l’agriculture et l’élevage et organiser une hiérarchie urbaine. Lorsque, il y a 6000 ans, il se met soudain à dresser un peu partout d’énormes blocs de pierre qu’il appelle "menhirs". Stonehenge au Royaume Uni, Carnac en France, Guadalperal en Espagne, Mudumala en Inde ou Mörön en Mongolie. En un mot, il "verticalise" sa vision du monde.

Il s’était jusqu’ici contenté de fosses pour enterrer ses morts et de cavernes pour y barricader ses peurs et ses angoisses. Il érigera bientôt de formidables structures telles les ziggourats en Mésopotamie et les pyramides en Égypte, en Chine, en Indonésie et en Amérique Centrale. Sapiens affirme désormais son impériale volonté de dominer son environnement.

Pendant plusieurs millénaires encore, il se contentera malgré tout d’étaler ses plus emblématiques constructions. Outre des cités toujours plus vastes et toujours plus somptueuses telles que Mohenjo Daro, Persépolis, Palmyre, Jingsheng ou Pompéi, c’est un vaste palais s’étendant sur soixante-douze hectares que l’empereur de Chine fait édifier au cœur de Pékin et Louis XIV une gentilhommière avec ses jardins sur plus de huit cents hectares à Versailles. Il faudra attendre l’an 1900 de notre ère pour voir surgir la Tour Effel au-dessus de Paris et le Flatiron Building dans le ciel de New-York. Dès lors, Sapiens ne cessera plus de se dresser toujours plus haut.

De puissants château-forts s’étaient déjà postés sur des pitons rocheux comme le Krak des Croisés en Syrie, le Haut-Koenigsbourg en Alsace ou Montségur en Pays Cathare. D’altières cathédrales adressaient déjà à Dieu de somptueuses prières et d’élégants beffrois servaient à surveiller les campagnes alentours. Les collines vont désormais se consteller de châteaux d’eau, les campagnes se ponctuer de pylônes électriques pour lignes à haute tension, d’antennes relais pour le téléphone et d’éoliennes pour domestiquer le vent et les villes se parsemer de tours de vingt, cinquante, cent étages. Parallèlement, les airs vont être sillonnés d’un inextricable écheveau de couloirs aériens qui encercleront littéralement la planète.

Mais Sapiens veut se camper plus haut encore. Depuis qu’il lève les yeux vers le ciel, un rêve le taraude : toucher les étoiles, là où vivaient jadis ses divinités et où patrouillent aujourd’hui des milliers de satellites qui veillent, surveillent et connectent près de huit milliards de terriens. Il réalisa une première mais modeste étape en marchant sur la lune. Son prochain défi la dépassera : poser le pied sur Mars. L’Intelligence Artificielle qu’il cultive avec tant d’espoirs lui permettra-t-elle d’y parvenir ? Il appartiendra à l’avenir du futur, toujours plein de surprises, de le dévoiler. (Lire aussi et surtout Sapiens face à Sapiens, Pascal Picq, éditions Flammarion)

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Commentaires
L
Et comme dit le poète : "Mars et ça repart !"
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R
féconde chronique, belle mise en perspective! Une très bonne année à vous.
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