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Chroniques d'un vieux bougon
2 septembre 2021

Vivants.

vivants

Comme chaque jour ou presque, le jardinier fait le tour de son courtil pour saluer ses arbres. Promus premiers remparts contre les bourrasques venues de l’ouest, les robiniers de trente ans d’âge ont souffert d’un gros coup de vent et plusieurs d’entre eux gisent dans le plus grand désordre en attendant les bûcherons et leurs tronçonneuses. Imperturbables quant à eux, chênes, châtaigniers et fayards regardent avec indifférence le jardinier déambuler à leurs pieds. Ils étaient là avant lui et le seront encore après. Mais par la grâce de la pluie envoyée par le dérèglement climatique, un fouillis inextricable occupe aujourd’hui l’espace non tondu affecté à la préservation de la biodiversité et le jardinier souffre de cette pagaille contre laquelle il lutte avec opiniâtreté depuis tant d’années. Aussi, face à ces perturbations qui rythment son quotidien, les événements qui bousculent le monde de l’autre côté des palisses qui l’en protègent l’indifférent un peu.

Non pas qu’il ignore la compassion pour les Haïtiens une fois de plus martyres de la nature qui semble ne pas supporter leur présence et secoue régulièrement sa carcasse comme pour s’en débarrasser, les condamnant à vivre perpétuellement dans le provisoire. Non pas qu’une pensée émue de sa part n’accompagne pas les villageois du Maroc ou d’Algérie victimes des incendies qui ravagent leurs maisons et leurs maigres cultures. Non pas qu’il refuse aux Grecs le statut de souffre-douleurs du destin face à la géhenne qui menace leurs bourgs et leurs cités. Non pas que la colère et l’indignation ne l’effleurent pas à l’idée des jours terribles qui attendent les femmes afghanes qui devront plier, une fois encore, sous le joug de l’obscurantisme religieux. Non pas que … Mais qu’y peut-il égaré qu’il est au fond de sa vallée perdue au cœur des Monts ?

D’ailleurs, qui se souviendra encore demain de ces tragédies qui ressemblent tant à celles d’hier et d’avant-hier ? Submergées chaque jour nouveau par de nouvelles catastrophes, elles s’effaceront avec le temps, repoussées toujours plus loin dans les miasmes de l’Histoire avant de devenir à leur tour dérisoires. Comment avons-nous pu donner tant d’importance à nos ridicules différents, disputes et controverses quand ces terribles drames traversaient le monde ? Comment avons-nous pu donner tant d’importance à ces mêmes drames quand ils se verront rétrogradés bientôt au modeste statut de péripéties et dispersés dans la brume de nos mémoires ?

Nos protestations d’aujourd’hui paraîtront d’autant plus puériles qu’elles se seront révélées oiseuses et illusoires. Nos craintes étaient mal placées et n’auront démontré que nos failles et nos fragilités, l’angoisse face à l’avenir si imprévisible, l’angoisse face à nous-mêmes tant nous doutons de nos forces, individuelles et collectives, l’angoisse face à une situation qui nous échappe tant nous redoutons l’inattendu. Nous sommes si habitués à être guidés dans chacun de nos pas ! Prochaine station Porte Clignancourt, Romorantin 12 kms, au bout de la route tournez à droite, traversez le rond-point et prenez la deuxième sortie, mangez cinq fruits et légumes, lavez-vous les mains, marchez une demi-heure… Mais personne ne nous dit jamais ce que sera demain. Il faudra comme toujours prendre le risque de vivre !

Demain sera comme hier bien sûr ; le soleil continuera de briller au-dessus de nos têtes, les étoiles poursuivront leur saga dans l’espace infini, les plus fragiles d’entre nous seront encore menacés et les plus ouverts aux autres sauront comme d’habitude s’adapter aux nouvelles situations et se surpasser. Dorénavant et comme hier, une seule règle est à respecter impérativement, ne pas oublier de vivre ! Et, comme écrivait Jean d’Ormesson, vivre étant une occupation de tous les instants, il conviendra d’y consacrer toute son énergie. Stoïques et droits comme les chênes ou souple et ondoyants comme les roseaux mais vivants.

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Commentaires
L
une pensée, une fois encore pour ce peuple d'Haïti qui a subi tant d'horreurs. <br /> <br /> pourquoi notre terre s''ébroue toujours sur les plus pauvres ?
Répondre
L
À demain...Peut être.
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