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Chroniques d'un vieux bougon
23 décembre 2021

Le strict nécessaire.

dubitatif

La canitie ébouriffée par un vent de traverse soutenu, l’homme se dirige à pas pressés vers le tourniquet d’entrée du supermarché. Au moins y sera-t-il abrité des intempéries ! Il n’est hélas pas le seul à prétendre procéder à quelques emplettes de dernières minutes. La colonne de droite patiente en grommelant pour pénétrer dans le saint de saints tandis que celle de gauche s’agglutine sous l’auvent qui n’offre au demeurant qu’un maigre refuge qu’il faudra bien quitter malgré tout pour traverser en courant le parking encombré et rejoindre la voiture toujours stationnée trop loin. Il n’y a pas si longtemps, les médias se gargarisaient de pouvoir d’achat dégradé, d’augmentation des prix en général et d’aggravation du coût de l’énergie et des carburants en particulier. L’heure n’est plus aujourd’hui aux restrictions budgétaires et aux comptes déficitaires, l’heure est aux achats compulsifs pour satisfaire aux impératifs consuméristes de fin d’année. Notre société est décidément bien versatile.

La visite du magasin commence comme toujours par l’espace culturel, un mot bien ronflant pour désigner les étals de livres à la mode tels que l’inévitable Goncourt, le Renaudot moins flamboyant mais qui fait toujours son effet sur la table du salon ou le dernier cru de Natacha Calestrémé toujours en tête des gondoles sous la rubrique "succès". Nul doute que le nouveau roman de Jean-Christophe Ruffin* y figurera en bonne place mais inutile de l’acheter, il fera probablement l’objet d’un cadeau de quelque visiteur étourdi. Le Sidérations* de Richard Powers s’y trouvera peut-être, bien que la libraire de la ville voisine n’ait pas jugé bon de l’inclure dans ses commandes, pas assez germanopratin sans doute à ses yeux ! Mais déambuler entre ces rayonnages est encore relativement aisé.

En revanche, il faudra jouer des coudes dans les travées réservées à l’alimentation, foie gras du Périgord, poulardes fermières de proximité, saumon d’élevage de Norvège, bourriches d’huitres d’Oléron et bières locales, vins liquoreux et mousseux d’importation. En un mot, de quoi assurer plus ou moins dignement les traditionnels réveillons festifs. Éviter ensuite les allées attribuées aux jouets. Y pullulent des ribambelles de marmots surexcités courant en tous sens, de caddies déjà surchargés et de parents déçus de constater l’absence pour cause de pénurie du super jouet que leur progéniture réclame à grands cris après l’avoir aperçu dans les publicités télévisuelles, les catalogues spécialisés et autres supports aguichants.

Quoi qu’il en soit, l’effervescence est à son comble, les appels affolés des mères à la recherche de leurs enfants perdus dans la cohue répondent aux pleurs de ces derniers frustrés de n’avoir pas la bouche pleine des friandises convoitées et aux messages tonitruants des "animateurs" pour signaler les promotions "flash" succèdent les accords rugissants de guitare de quelque groupe de hard-rock sensé dynamiser une ambiance déjà survoltée. Presque encombré de sa tablette de beurre normand découverte au milieu d’une multitude de marques de yaourts, Jean-Louis Fournier ne regrettait-il pas que l’embarras du choix gâchât le plaisir de l’achat, l’homme s’ajoute sans plus réfléchir à la première file d’attente venue pour tenter, en toute honnêteté, de déposer son obole dans la main de la caissière. Las, frappé comme à chaque fois par le sort, il a choisi celle du magasin qui s’écoule le plus lentement. Il aura ainsi le temps d’observer ses congénères qui piaffent d’impatience le téléphone à la main, courent derrière leurs rejetons partis à la découverte d’on ne sait quoi ou échangent à voix forte des anecdotes d’un intérêt souvent très limité.

Lorsqu’il a enfin déposé ses pièces de monnaie dans la sébile adéquate et acquis ainsi le droit de sortir, il se retrouve nez à nez avec les charriots des associations caritatives. Hormis quelques boites de petits pois, ils restent désespérément vides. Les chalands n’auront apparemment acheté que le strict nécessaire. Ce qui laisse dubitatif ! (* Les Flammes de pierre, Jean-Christophe Ruffin, Gallimard et Sidérations, Richard Powers, Actes Sud)

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Commentaires
L
"réveillions festifs" => heu, est-ce une astuce littéraire : l'orthographe réelle est "réveillon" ? Autre erreur : "quoiqu'il en soit" => quoi qu'il en soit [quoique peut signifier peut-être]. <br /> <br /> J'évite toujours ces magasins où il faut jouer des coudes pour obtenir ce dont on a besoin et non pas les frivolités qui sont à la mode. Surtout dans ces moments qualifiés de "festifs" et qui ne sont qu'une consommation superfétatoire.
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L
Ici les chariots caritatifs sont remplis raisonnablement. Mais nous sommes des enfants perdus dans la cohue consuméristes.
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