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Chroniques d'un vieux bougon
1 mars 2011

Les Monts défigurés

       Hélène et Sébastien m'ont conviés, hier soir, à une petite réunion chez eux." Que des gens du coin. On a des choses à parler. Venez pour manger: j'ai fait du bourguignon!" J'ai pris avec moi ma dernière bouteille de Pauillac 2003.

       Après le diner, les autres invités arivèrent bientôt et s'installèrent autour de la table de la salle à manger. Le premier adjoint au maire, accompagné de son épouse, s'improvisa d'office président de séance."Je vous ai réunis ce soir, commença-t-il, parce qu'ils veulent implanter des éoliennes au-dessus de chez nous!" Exclamations de surprise et d'indignation. "Comment cela, au-dessus de chez nous?" demanda mon voisin. Je connais vaguement l'homme qui élève des moutons sur l'autre versant du col. Son épouse, quant à elle, fait la factrice à la Poste. "En haut, répondit l'adjoint. Tout en haut au-dessus de chez vous."" Mais alors, s'exclama un grand maigre aux allures d'ancien professeur d'université. Ils vont raser tous les arbres!" "Déjà qu'ils ont bien coupé pour faire passer la ligne haute tension!" renchérit son vis-à-vis vêtu d'une veste de velours côtelé marron sur une chemise rose agrémentée d'un noeud papillon bordeaux. "Je sais que c'est mieux que les centrales nucléaires, ajouta en bout de tablée, un ancien fonctionnaire du Conseil Général qui s'était jadis présenté aux élections avec l'étiquette écologiste. Mais ça va complètement défigurer le paysage!" Mes Monts défigurés! Le mot est lâché; on ne pourra plus le remiser sous le boisseau.

        Il me revint alors en mémoire une émission de télévision des années soixante-dix, "La France Défigurée". Les animateurs, Louis Blériot et Michel Péricard, étaient partis en guerre, modernes Don Quichotte, contre les châteaux d'eau qui se dressaient alors, tels de glorieux phallus, au sommet de nos douces collines. Eux avaient trouvé la parade. "Y a qu'a les enterrer, suggérai-je. Ainsi, on ne les verra plus!" Un lourd silence suivit ma proposition. Puis je vis l'oeil de Sébastien briller de malice. "Ce n'est pas possible à cause des nappes phréatiques!" "Excatement, continua l'écologiste en se levant. Cela risque de les polluer!" Ce constat sans appel assomma littéralement l'assemblée. Les échines s'affaissèrent et les nuques se couchèrent tandis que l'épouse de l'adjoint laissait échapper un long soupir de découragement. "Mais alors, conclut-elle, qu'est-ce qu'on peut faire pour les en empêcher?"

          Hélène distribua à chacun une part de tarte à la rhubarbe. Sébastien emplit les verres de cidres bouché. Je songeai que l'homme, décidément, est bien inconséquent. Il veut toujours tout, et son contraire. (Roland Bosquet)

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