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Chroniques d'un vieux bougon
13 avril 2012

Paresse et oisiveté

       Merles et moineaux demeurent tapis à l’abri des feuilles au vert pâle qui commencent à orner les buissons. Les longues tiges des forsythias illuminent d’une tendre lumière jaune les haies d’aubépine ponctuées, çà et là, d’une multitude d’inflorescences immaculées. Mais         comme en sa coutume, avril hésite encore entre fraîcheur et radoucissement. Il n’offre aujourd’hui à notre vallée perdue au cœur des Monts qu’un horizon encombré au soleil incertain et un vent de bise acidulé qui pique les joues. Se vautrer dans l’oisiveté quand le ciel invite à l’ouvrage procure toujours un plaisir incomparable. Un goût inné pour la paresse, trop souvent  contrarié par un obscur sentiment de culpabilité, se trouve ainsi conforté par la délicieuse sensation de transgresser de longues années d’éducation. Mais se la voir ainsi imposée devient intolérable.

      Campé devant sa fenêtre, le vieux bougon bougonne. Tant de tâches l’attendent ! Les mauvaises herbes envahissent les parterres ; des haies n’ont pas encore été élaguées ; les bordures vives des allées gagnent en largeur ; les pissenlits s’enhardissent et éclairent les pelouses de leurs fleurs safran. En un mot, la nature reprend ses droits et rappelle au jardinier qu’il n’est pas le maître en ses lieux. Et pour souligner sa suprématie, elle envoie au récalcitrant qui oserait l’affronter  une généreuse giboulée de grêle qui renvoie les ramiers, pies et tourterelles dans leurs abris au creux des hautes branches des chênes et des sapins. C’est pourquoi, ce matin, j’ai choisi la musique.

     Sur la chaîne, Blandine Verlet égrène les fameuses et terribles Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach. Chacun a bien sûr dans l’oreille la version de Glenn Gould de 1981. Brillante, fantasque, chaleureuse même, parfois. Mais Blandine Verlet fait chanter l’aria comme nulle autre pareille. Elle y entre d’abord à pas menus, sans fioritures et avec sensualité, donnant vie à son clavecin qui sonne avec volupté. Puis, chevauchant sans fausse humilité la ligne de basse continue, elle nous emporte dans le labyrinthe des contrastes et des émotions, l’organise au fil de ses déclinaisons, le déclame avec ferveur, le fredonne à mi-voix, l’orchestre avec brio, nous perd avec malice avant de nous abandonner là où nous étions entrés. Avec la réconfortante impression d’un retour paisible à la maison. Je n’oublie pas la tentative de Blandine Rannou dont je viens de recevoir la livraison. Mais elle s’y impose une telle lenteur qu’elle se voit contrainte d’y adjoindre des ornementations que le compositeur n’avait probablement pas imaginées et assurément pas transcrites.

      Mais dans un nouvel effort, le soleil s’essaie, lui aussi, à percer la gangue des nuages. Peut-être vais-je pouvoir chausser mes bottes de sept lieues et partir à la chasse des herbes indésirables ! (© Roland Bosquet)

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