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Chroniques d'un vieux bougon
13 septembre 2016

Mais où est passée la civilisation ?

civilisation

      Huit heures du matin. Je déguste benoîtement mon café noir en écoutant avec curiosité l’émission matutinale de France-Musique lorsque mon chat César, mollement allongé sur le dossier de mon fauteuil, se dresse tout à coup en grondant. D’un pas tranquille de promeneur sûr de lui, un matou inconnu traverse mon courtil. Le véritable maître des lieux considère évidemment cette intrusion comme un crime de lèse-majesté. Devant son insistance, je lui ouvre la porte. Quelques grondements léonins lui suffisent pour asseoir son autorité. L’intrus abandonne prudemment le terrain. Digne comme un général romain remontant la via triumphalis à la tête de ses troupes, César regagne alors ses pénates. Depuis l’affaire Caïn si bien décrite par Victor Hugo, il en est de même chez les humains. Ils se battent et se massacrent pour une source, une terre fertile, une forêt giboyeuse, une grotte, un village, un bourg, une ville, un État, un empire. Et comme ces raisons raisonnantes ne lui suffisent pas toujours, l’homme s’invente mille prétextes supplémentaires pour satisfaire ses instincts les plus sauvages. Outre la soif du pouvoir, une appétence immodérée de l’argent et la convoitise de la femme du voisin, il invoque un dieu, une croyance, une apparence, un soupçon, une idée reçue, une notion détournée d’appartenance ou d’identité. L’imagination ne manque jamais quand il s’agit de s’étriper joyeusement. L’Histoire et l’actualité regorgent de sinistres exemples de ces tueries barbares. Un jour pourtant, il y a très longtemps, furent inventés les arts, la philosophie et la politesse. Rien n’y a fait ! Les hommes continuent aujourd’hui encore à s’entretuer. Comme si Platon et Aristote n’avaient jamais écrit, Mozart et Bach jamais composé, Rembrandt et Picasso jamais exposé, Raymond Depardon jamais photographié et Michel Onfray jamais publié. Comme si leurs réflexions et la vision du monde qu’ils nous renvoient à travers leurs livres et leurs créations ne parvenaient jamais à atteindre l’entendement du commun des mortels !  Ainsi ce gars pourtant né en Seine-Saint-Denis, au cœur de la France, mais à qui l’on a à peine appris à parler le français et moins encore à le lire, que l’on a malgré tout envoyé au collège où il s’est ennuyé à mourir avant de le quitter aussitôt que possible pour vivre de petits trafics, qu’un juge a sermonné deux ou trois fois avant de l’envoyer en prison. Écrasé, perdu, déchiré, il découvre alors qu’il peut enfin, lui aussi, devenir quelqu’un. Comme ses nouveaux modèles, il frappe donc à son tour au nom emblématique d’Allah, à l’image de ces fous furieux qui veulent convertir de force l’humanité tout entière à leurs idées dévastatrices. Comme si la mort était à la fois pour lui une gloire et une délivrance. Je garde à l’esprit la phrase d’un prêtre qui s’interrogeait à la suite de l’assassinat du Père Jacques Hamel dans l’église de Saint-Etienne-du- Rouveray. « C’est facile de désigner un ennemi extérieur. Mais le mal ne serait-il pas aussi chez nous et en nous ? » Sans enlever à ce jeune homme comme à ses prédécesseurs leurs propres responsabilités, la question se pose en effet. La société s’est-elle réellement donné les moyens de leur inculquer une morale de l’effort et de l’honnêteté en lieu et place de l’ennui et de l’exclusion, une envie de se dépasser, certes, mais pour améliorer la vie ou, au moins, embellir le quotidien, un goût du partage et du beau, un appétit de bienveillance et de bonté. En un mot, une volonté de construire pour eux et pour les autres ce fameux paradis dont chacun rêve. Ce paradis à propos duquel, précisément, les philosophes, les poètes, les romanciers, les peintres, les musiciens et tous autres artistes en général nous donnent bien des choses à penser. (Lire "Petit Pays" de Gaël Faye chez Grasset)

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Commentaires
C
Je souscris à tout, y compris à l'amour de Mozart
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L
je viens d'avoir exactement la même chose avec ma chatte. "C'est chez moi ici bordel, taille-toi vite fait de là !"
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A
Penser la mort "comme une gloire et une délivrance" ... Probablement si vrai, hélas !
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L
À part ton addiction à ca grand pollueur auditif qu'est Mozart je suis d'accord avec toi !
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G
J'aime votre billet! <br /> <br /> Inutile d'aller chercher plus loin un certain bonheur, il est en nous, c'est à nous de le cultiver de trouver ce gout du partage et du beau. Merci pour votre partage.
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