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Chroniques d'un vieux bougon
24 novembre 2017

Le bonheur des jardiniers et autres chercheurs d'or.

 

jardiniers

    La lune déconseille aujourd’hui tous travaux au jardin.  Il se trouvera sans doute des étourdis pour n’en tenir aucun compte au risque d’aliéner leurs forces et d’altérer leur bonne humeur. La plupart des hommes, et les jardiniers en particulier, sont cependant d’un naturel sensé. Sans l’aiguillon d’une épouse, d’une compagne ou d’un petit chef hargneux, ils se contentent la plupart du temps d’écouter l’herbe pousser. (Ce qui exige, on en conviendra, une grande concentration d’esprit excluant toute autre activité.) Mais le bonheur du jardiner consiste-t-il vraiment et seulement à ne rien faire ?  Comme tout homme et depuis toujours, le jardinier est en effet à la recherche du bonheur à l’image de ces chercheurs d’or qui piochent sans relâche, creusent, fouillent et retournent de pleines brouettes de terre jusqu’à l’épuisement sans jamais apercevoir la moindre parcelle jaune mais qui continuent malgré tout parce qu’ils sont intimement persuadés qu’un jour ou l’autre une fugace étincelle les éblouira enfin. Les paléoanthropologues, qui ont eux aussi gratté la terre des sites archéologiques, se sont bien sûr interrogés sur ce qui pouvait faire le bonheur de Cro-Magnon il y a 30 000 ans. Se contentait-il du bonheur tranquille de survivre au froid et à la faim, d’échapper à ses prédateurs et de voir ses enfants grandir et devenir à leur tour de redoutables chasseurs ? Le premier Magdalénien qui, voulant imiter la nature, sema des lentilles et des pois chiches dans l’espoir d’une généreuse récolte cherchait-il le bonheur ou simplement à nourrir sa famille ? En enlevant Hélène, la si belle épouse du roi de Sparte Ménélas, Pâris cherchait à n’en pas douter le bonheur, même si son geste devait provoquer la destruction de sa bonne ville de Troie. Alors qu’il chevauchait sur le chemin de Damas, Paul de Tarse fut frappé d’insolation et chuta de cheval. Il se releva en titubant et décida de vouer sa vie à l’enseignement de la "bonne parole" : prière, jeûne et abstinence ici-bas pour gagner le bonheur dans l’au-delà. Le prêtre catholique qui, armé de son seul goupillon, débarqua avec les soudards d’Hernán Cortés sur les côtes mexicaines au printemps 1519 ne recherchait probablement que ce même bonheur pour lui-même et pour les malheureux sujets de l’empereur aztèque Moctezuma. Les révolutionnaires qui coupèrent la tête de Louis Capet et de Maximilien Robespierre étaient persuadés, quant à eux, qu’il leur fallait en passer par là pour que le peuple parvienne enfin au bonheur sur terre grâce à la Liberté, l’Égalité et la Propriété. Les militants des divers Comités des Justes Causes qui pullulent aujourd’hui sont vraisemblablement convaincus de proposer eux aussi le même grand bonheur à leurs concitoyens. Mangez sans sel, sans sucre, sans graisses et sans goût et vous vivrez plus longtemps. Courez, sautez, bougez et vous mourrez moins jeune.  Or l’Histoire, les sciences sociales et les études statistiques montrent que l’homme en général et le jardinier en particulier s’estiment certes parfois heureux mais encore bien éloignés du bonheur. Penchés sur leurs écrans d’IRM, les chercheurs en neurosciences affirment quant à eux avoir aperçu le bonheur dans notre cerveau. Il ne serait, en définitive, qu’une affaire de neurotransmetteurs tels que les sérotonines, dopamines et autres ocytocines. Suffirait-il alors d’en augmenter la production pour baigner éternellement dans une béatitude euphorique ? Pour l’heure, quelques vers de Rimbaud, d’Yves Bonnefoy ou d’André Duprat et l’écoute de Mozart, Schubert ou Rachmaninov sauront nous y conduire en toute félicité. Ce qui nous laisse, comme toujours, bien des choses à penser.

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Commentaires
L
côté jardinage je n'y connais rien mais je vais m'y mettre !
Répondre
L
Le bonheur, c'est comme le père Noël il faut y croire.
Répondre
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