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Chroniques d'un vieux bougon
23 juin 2020

Biodiversité et migrations

biodiversite

Il y a 3 millions d’années environ, la Terre se divisait en gros en quatre parties. Le ciel était dévolu aux gypaètes barbus, aux aigles royaux et aux milans corses. La mer et les rivières recueillaient les truites arc-en-ciel, les gougeons, les baleines bleues et les raies manta. La savane était le théâtre de courses effrénées entre les lions, les gazelles, les gnous et les phacochères. Et la forêt, vaste et feuillue, abritait dans ses ramures, outre mille et un primates, une puissante tribu d’hominidés plutôt bavards et tapageurs. Jusqu’au jour où l’une des familles, les australopithèques, se montra si bruyante et querelleuse qu’excédés, leurs cousins les chimpanzés, bonobos et orangs-outans se réunirent en conseil et décidèrent de les expulser manu militari de leur havre de paix. Depuis, l’âme en peine et la nostalgie accrochée au cœur, ceux qui allaient devenir plus tard les Hommes errent de continent en continent à la recherche du paradis perdu.

Pour appréhender leur nouvelle vie et compenser leurs faiblesses face aux innombrables dangers qui les guettaient, ils durent développer au fil du temps non seulement leurs facultés cognitives mais également leur nombre. Au point qu’ils représenteraient selon certains un véritable danger pour l’avenir de la vie sur la planète. Les mers et les océans se vident de leurs poissons tandis que s’y amoncellent les détritus. Le ciel est de plus en plus traversé d’avions et de moins en moins d’hirondelles et de martins-pêcheurs. Et les chasseurs le constatent chaque année, les forêts se dépeuplent de leurs gibiers favoris, faisans d’élevage, lapins de garenne et grives musiciennes. Les campagnards eux-mêmes, pourtant si accrochés à leurs terroirs, émigrent vers des villes toujours plus modernes, toujours plus tentaculaires et toujours plus polluées.

En réalité, ces cités bétonnées et goudronnées à souhait sont également devenues des aires d’accueil recherchées par tous ces animaux chassés de chez eux. Les poissons rouges tournent en rond dans leurs bocaux de verre, les requins et les méduses farnientent dans leurs aquariums municipaux et les otaries jouent à la baballe dans leurs bassins aquatiques. Dans les zoos dits paysagers, les lions, panthères, girafes et autres antilopes attendent benoîtement l’heure du nourrissage devant un public ébaudi tandis que dans les arrière-cours des protocoles savants veillent sur leur santé et, surtout, sur leur reproduction. L’heure est à la sauvegarde de la biodiversité.

Une armée d’apprentis ornithologues arpentent ainsi les campagnes à la recherche des oiseaux afin d’en établir un état des lieux. Et, oh stupeur, près d’un tiers d’entre eux en auraient disparu ! Par la grâce des insecticides et donc d’un manque cruel de nourriture, nombre d’entre-eux ne se reproduiraient plus suffisamment pour assurer un renouvellement des générations. Mais d’autres, opportunistes, ont su tirer leur épingle du jeu : ils se réfugient dans les villes où ils prolifèrent désormais dans les toujours plus nombreux parcs et ilôts de verdure qui donnent aux citadins l’illusion d’une nature enfin domestiquée. Mouettes et goélands, perruches, pigeons et moineaux y font dorénavant partie du paysage où ils sont grassement nourris par les urbains nostalgiques sans doute des époques lointaines où ils gambadaient encore de branche en branche au milieu de leurs parentèles. Et ils ne sont pas les seuls. Paris héberge en effet toujours plus de chats de gouttière, de rats et d’écureuils. Londres est envahie par les renards, Berlin par les sangliers, Ketchikan en Alaska et Norilsk en Sibérie par les ours blancs.

Dès lors, en une sorte de post-moderne vase communicant aux flux et reflux perpétuels, l’habitant des villes décide derechef de se réfugier à la campagne. Chaque semaine, quand ce n’est pas même chaque jour, il s’enfuit au moindre prétexte en direction des espaces de verdure qu’il croit encore vierges, s’y répand, y étale son béton et y goudronne jusqu’au moindre chemin de terre et peut-être même demain ses chemins de randonnées pour ne pas risquer s’y souiller ses Louboutin ou ses Boots-Discovery. En un mot, il se vautre sans vergogne jusqu’au fond des vallées perdues au cœur des Monts, apportant avec lui ses rêves et ses délires, ses virus et ses déchets alors même qu’il ne supporte ni les coassements printaniers des grenouilles, ni les fanfaronnades des coqs de basse-cour, ni l’odeur sauvage des vaches, ni même parfois les paysans eux-mêmes. Et les prévisionnistes prévoient que tout ce beau monde devra dorénavant vivre ensemble ! L’avenir du futur se révèle décidément riche en surprises.

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Commentaires
C
sans oublier le goupil des villes et le goupil des champs ! que j'adore.<br /> <br /> L'odeur sauvage de la vache, c'est pour permettre au citadin de la différencier de la vache d'élevage intensif ?
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A
Les Australopithèques agglutinés autour de leurs barbecues sur lesquels suaient leurs brochettes d'agneau auraient-ils pu prévoir, il n'y a qu'un an, l'arrivée de ce virus guerrier qui allait leur faire replier dare-dare tables, chaises et abattis vers le béton de leur sweet home ? Je crois que les primates de toutes obédiences n'ont pas fini de s'émerveiller devant les ressources infinies de la nature !
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M
Difficile de vivre ensemble. A Pel et der où je suis restée 15 ans, j’étais si bien acceptée (et adaptée) que je m’étais entendu dire : « j’ai l’impression que tu as toujours vécu ici. »<br /> <br /> Par contre, mon affreux voisin, celui qui m’envahit de bambous, a trouvé une excuse près des experts : « Je suis né ici », comme si Paris m’appartenait puisque j’y suis née Tout dépend de l’attitude des citadins et de l’accueil des paysans.
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L
L'avenir va être rigolo...Ou pas.
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