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Chroniques d'un vieux bougon
9 février 2021

Pandémie, biodiversité et contradictions

hasard_necessite

Il est des jours riants où, égayé par vos rêves nocturnes qui ont de plus en plus tendance à vous faire revivre vos années d’insouciance lorsque, enfant, vous gambadiez gaiement sur le chemin de l’école du jeudi, vous vous réveillez de belle humeur, posez hardiment le pied sur la descente de lit et fredonnez quelque Variation pour piano de Mozart en préparant votre petit déjeuner matutinal. Le soleil, qui a déjà passé la ligne d’arrivée en vainqueur dans sa course contre la nuit, illumine la pelouse où se chamaillent rouges-gorges, merles et chardonnerets et s’élaborent peu à peu de vastes projets de taille de haie, d’arrachage d’herbes indésirables dans les parterres ou d’innocente flânerie au milieu des bouleaux, fayards et châtaigniers qui peuplent votre courtil tandis que les chauds arômes du café vous invitent au voyage.

Il est hélas aussi des jours gris où, accablées des alarmes qui ont parfois tendance à s’insinuer dans vos insomnies lorsque, les yeux ouverts sur le vide, vous ruminez quelque insipide réflexion aux prétentions philosophiques, de noires chimères s’imposent à vous au moment de quitter la tiédeur de la couette. Vous posez alors maladroitement le pied sur votre livre de chevet tombé la veille de votre main assoupie et bougonnez dans votre barbe une remarque bien sentie à l’adresse de votre soi-disant ange-gardien en gagnant, échevelé et hagard, votre cuisine encore plongée dans une demi-obscurité. Le soleil n’a pas daigné encore apporter au jour tout l’éclat qu’il mérite et une méchante bruine masque même les frondaisons dénudées dont vous ne distinguez guère que les ombres depuis votre fenêtre.

Évanouies dès lors les hypothèses d’éradication des chiendent, mouron rouge et autre renoncule rampante qui encerclent vos derniers choux, oubliés les plans d’élagage de sureaux importuns et de noisetiers envahissants, annulées les velléités de randonnée par les sentiers paysans aux palisses bruissant des joyeuses ritournelles de la brise ! L’heure n’est pas aux chantiers pharaoniques ni même aux expéditions aventureuses. L’heure est à la banalité du quotidien et comme le courage vous manque de le transcender par quelque audacieuse entreprise, vous vous contenterez de ménage et de rangement. Et c’est ainsi que vous retrouverez, blotti au fond d’une étagère comme s’il redoutait d’être une fois de plus empoigné et feuilleté, le fameux essai de Jacques Monod Le Hasard Et La Nécessité.

Les biologistes l’ont depuis longtemps remisé au placard sous le prétexte que la réalité serait plus complexe encore mais les tenants de la théorie de l’évolution de Darwin lui trouvent malgré tout des qualités. Depuis la première cellule vivante, l’hypothétique "Last Universal Common Ancestor", il semblerait en effet que la vie ne se soit développée qu’au hasard de mutations successives totalement imprévisibles comme le montre, par exemple, notre actuel virus covidesque si dévastateur.

Or, si l’on en croit les opinions les plus communément admises et relayées haut et fort par nos innombrables experts en tout de café du commerce de plateau de télévision, il serait non seulement nécessaire mais aussi absolument indispensable de s’en débarrasser au plus vite si nous voulons jeter nos masques par-dessus les moulins, nos excédents de nourriture dans les poubelles, nos canettes vides dans les fossés, nos mégots dans les caniveaux et nos déchets plastiques dans l’océan, comme avant. Mais au regard de l’avenir des générations futures, est-il vraiment opportun de refuser à cet encombrant covid-19 le bonheur naturel de se déployer à son gré à l’instar de toute forme de vie alors même que nos écologistes, dans leur grande clairvoyance, déplorent fort justement par ailleurs une perte si alarmante de la biodiversité qu’elle pourrait déboucher sur une irrémédiable extinction des espèces vivantes ?

Le dilemme est cornélien ! Qui se hasardera à le trancher ? Peu de voix osent encore à ce jour s’y confronter mais la question n’en demeure pas moins posée.

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Commentaires
L
Ce que j'apprécie avant tout lorsque je lis vos articles, ce sont les descriptions de votre environnement. Vous êtes fondamentalement relié à la nature et vous en appréciez les bienfaits. C'est encourageant, surtout dans le contexte actuel. Les nourritures ne sont pas que terrestres, elles sont davantage intellectuelles. A vous lire, c'est d'abord le plaisir de découvrir un paysage que vous dessinez par des mots choisis et dont vous disposez les "pierres" avec un art consommé. C'est un réel plaisir que de lire vos articles. Rien que pour cela un grand merci; <br /> <br /> Vos réponses à vos visiteurs relèvent de votre environnement campagnard : c'est comme respirer un air frais. Et surtout, vous avez la sagesse de mettre en rapport liberté et responsabilité. Tout peut changer, et c'est bien là l'essentiel. A condition d'en avoir la volonté.
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L
Cher Vieux Bougon, peut-être n'avez-vous envisagé la question de la responsabilité, je veux parler de celle que l'on doit à ceux qui arriveront après nous, cette responsabilité qui doit nous incomber et que le néolibéralisme noie dans le concept de l'"autonomie", c'est-à-dire que l'individu n'est responsable que de lui. Alors peut-être que professer ce qu'est la responsabilité...
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L
La nature va faire ce qu'il faut pour se débarrasser de nous.
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A
A mon sens il n'y a guère de dilemme : Assimiler ce virus retors à nos excédents de nourriture, nos canettes vides, nos mégots et nos déchets plastiques, n'est-ce pas nous accorder plus d'importance qu'on ne le mérite dans la marche du monde ? La nature vient de trouver le moyen de se débarrasser de son pire pollueur et de remédier à la plupart de ses méfaits, ne devrait-on pas s'en réjouir et l'applaudir ?
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