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Chroniques d'un vieux bougon
30 avril 2021

Rétro. du 2 mai 2018

retro_30_avril

C’était il y a trois ans, une éternité !

Chacun connaît le fameux dicton qui déconseille, en avril, de se découvrir d’un fil. Le voyageur prend donc grand soin de garnir son barda d’une fripe légère et d’une bonne laine. Il n’a hélas aucun moyen d’influencer le plus incontournable des aléas du voyage, les grèves des Chemins de fer. C’est pourquoi, non seulement je traversai avril en croisant les doigts mais aussi en adjurant Hermès, Mercure et Saint-Christophe d’intervenir pour moi auprès des dieux syndicaux du ferroviaire. Une place m’était réservée, enfin, dans la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris pour entendre le Requiem de Berlioz* avec le ténor Michael Spyres et l’Orchestre Philarmonique et le Chœur de Radio France sous la direction de Mikko Franck.

Nul doute que Tyché et sa cousine Fortuna s’unirent pour me transporter jusqu’à la Capitale. Nul doute également qu’elles crurent leur tâche accomplie en me voyant poser le pied sur le quai. Le campagnard qui débarque de sa province n’en pénètre pas moins en terre inconnue. Les innombrables travaux qui affectent la gare depuis un demi-siècle en font un chantier permanent qui semble devoir se poursuivre pendant un autre siècle encore. Les repères que vous aviez mémorisés lors de votre dernière expédition ont disparu. Tel couloir s’est transformé en dépôt de matériel. Tel panneau indiquant la sortie oublie que la sortie elle-même a été déménagée. Telle terrasse de bar où il faisait bon boire un café au milieu des moineaux en attendant le départ de son train affiche une fermeture dite provisoire. Même s’il est habitué à la signalétique rurale essentiellement destinée à égarer l’envahisseur étranger, le brave septuagénaire tout juste sorti de son courtil se perd un peu. Je décide donc de suivre la foule.

Hélas, la foule, ici, s’empresse également d’échapper à l’enfermement. Le téléphone rivé à l’oreille, elle court en tous sens à la recherche d’une issue. Dans sa hâte, elle bouscule, elle pousse, elle écarte sans ménagement tout ce qui se trouve sur son trajet. Un seul et unique obstacle semble modifier sa trajectoire, les piliers de béton qui agrémentent çà et là les parcours et supportent, parfois, des panneaux dits informatifs. À ceci près que leur dernière mise à jour doit remonter à la naissance de la locomotive à vapeur. Ce qui, par ailleurs, porte peu à conséquence puisque nul ne les consulte jamais et souhaiterait-il s’arrêter quelques instants pour en prendre connaissance que l’imprudent se verrait derechef projeté dans les barrières de sécurité quelques mètres plus loin. Mais la lumière du jour apparaît enfin au sommet d’un escalier. Lequel semble être une fois encore en panne puisque, imperturbable et comme mue par quelque réflexe inné, il y aurait là source d’inspiration pour une armée de sociologues, la horde des piétons emprunte unanimement les escaliers mécaniques.

Mais vous avez enfin trouvé l’un des derniers taxis à savoir que la gare est toujours en activité. Vos amis de la rue Mouffetard vous accueillent comme un baroudeur au long cours de retour d’une odyssée lointaine. Les hôtesses de la Philharmonie vous guident en souriant jusqu’à votre place, les instrumentistes accordent leur instrument, la silhouette ronde du Chef se profile en côté jardin, traverse la scène à pas menus mais décidés et se pose sur son estrade, les applaudissements crépitent. Puis le silence s’installe et le public se recueille. Violons, cors, hautbois et cors anglais lancent avec gravité les premières mesures de l’introït. Alors, vous oubliez tout et vous vous laissez emporter par la musique, demain est un autre jour ! (* Faute de "présentiel", comme ils disent, on peut aussi en écouter le magnifique enregistrement en la cathédrale Saint-Paul de Londres avec le Chœur et l’Orchestre Philarmonia dirigés par John Nelson et avec le même ténor, Mikaël Spyres.)

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Commentaires
L
Toute une aventure ubuesque pour enfin atteindre son but et savourer la musique espérée. Un vrai parcours du combattant : la capitale recèle bien des mystères et ses gares sont tellement populeuses qu'on s'y perd facilement. Sans compter la précipitation de certains en quête de voyage qui se précipitent et vous heurtent sans ménagement, passent leur chemin sans s'excuser afin d'avoir la primeur d'être les premiers à trouver de quoi voyager confortablement. Ah les grandes villes et ses hordes désordonnées...
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L
Tout ça pour ça ?
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