KIC9832227

Retour nocturne du concert de l’Orchestre Philarmonique de Région qui vient de donner des interprétations somme toute sympathiques du Peer Gynt de Grieg et de plusieurs mouvements de la cinquième symphonie de Hans Eklund. L’air respecte les températures de saison, le ciel est libéré de tout nuage et le ballet des étoiles déploie ses mille feux avec notamment la constellation du Cocher et son étincelante Capella et, à quelques degrés vers l’Ouest, la belle Callisto après sa transformation en grande ourse par la jalouse Héra. Difficile par-contre de détecter la charmante Cérès à l’œil nu. Elle a récemment été élevée au titre de planète pour répondre aux vœux de la gente agricole mais elle n’en demeure pas moins naine avec ses maigres petits mille kilomètres de diamètre. 

Selon la sonde Sofia, elle aurait émigré clandestinement depuis les confins de notre système solaire ce qui expliquerait pourquoi, après tant de chemin parcouru, elle se fait discrète au milieu des astéroïdes qui gravitent entre Jupiter et Uranus. Craignait-elle à l’époque quelque contrôle d’identité, la communauté scientifique ne lui en ayant pas encore attribué ? Redoutait-elle de se voir reconduire aux frontières par quelque commando Z ? Nous ne le saurons sans doute jamais. Il est par-contre une étoile qui bénéficie pleinement de l’empressement de nos observateurs astronomiques, l’étrange et énigmatique KIC9832227.

La belle aurait pu être handicapée par sa situation fort éloignée des regards des journalistes d’investigation et des réseaux dits sociaux. Elle évolue en effet dans la constellation du Cygne à dix-sept milliards quatre cent vingt-neuf millions huit cent vingt-trois mille deux cent douze kilomètres environs de notre palais de l’Élysée. Mais elle offre malgré tout nombre de qualités propres à retenir l’attention. Elle respecte ainsi scrupuleusement le principe légal de la parité. Sous ses apparences modestes sinon même effacées dues à son unique appellation, elle présente en réalité un visage double ou binaire, selon le jargon des astronomes, et l’un des membres de ce couple, de taille plus réduite, tourne inlassablement autour de l’autre. Certes, semblable comportement se rencontre régulièrement dans la vie courante. Un directeur ne sort jamais sans son sous-directeur, un pâtissier renommé sans son premier commis, un Président sans son Premier Ministre mais le fait est particulièrement remarquable dans le ciel où il semble peu fréquent. Et il l’est d’autant plus que le plus petit des deux montre actuellement une vélocité proche de lui devenir fatale.

En effet, contrairement à ce qui se produit au quotidien, à savoir que c’est plutôt le sous-directeur qui éjecte le directeur, le premier commis qui détrône son patron dans une pâtisserie concurrente ou le haut fonctionnaire qui remplace son Premier Ministre, les spécialistes du ciel étoilé prédisent que nous devrions prochainement assister à une véritable fusion-absorption digne du CAC40. La scène devrait même être visible à l’œil nu depuis le n°55 rue du faubourg Saint-Honoré comme de partout dans le Pays et se produire dans le courant du mois de mai prochain. 

Une aussi longue attente sera-t-elle supportable ? Certains psychologues sans enfants recommandent aux parents d’apprendre la frustration à leurs progénitures afin qu’elles s’entraînent pour leur vie future. L’apprentissage ne sera-t-il pas, dans le cas présent, trop difficile à endurer pour nos sociétés immatures habituées à voir leurs désirs se réaliser sans délais ? Engagements, promesses, perspectives et plans quinquennaux proférés jusqu’ici à coup de grands discours devant des publics ébahis ne risquent-ils pas être mis sous le boisseau plus rapidement qu’à l’ordinaire selon le bon vieux principe de précaution qui dit que ça ne peut pas continuer comme çà mais qu’il ne faut surtout rien changer ? Voilà qui laisse bien des choses à penser avant de déposer quelque bulletin dans l’urne.

Comments

[Loulou le filou]

Je n'ai pas trouvé le programme de Napoléon...