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Chroniques d'un vieux bougon
19 janvier 2024

Polémique.

polemique

Polémique, hier matin, au bureau de tabac-presse-dépôt de pain du village. On se serait cru sur l’un de ces plateaux de télévision si friands de débats sans fin à propos de tout et de rien afin de combler les temps morts entre les publicités, grandes pourvoyeuses de rentrées financières. Mais point, ici, de maîtres philosophes ni autres intellectuels médiatiques. Ils rechignent en général à salir leurs coûteuses "sneakers" dans la gadoue des campagnes qu’ils ont depuis longtemps désertées. Point non plus d’experts en tout. Ils réservent leurs interventions rémunérées aux grands faits de société comme le réchauffement climatique, les sécheresses et les inondations ou la guerre qui sévit un peu partout dans le monde. Ne sont présents ici, au milieu des livres et des journaux, que des gens ordinaires comme vous et moi emmitouflés dans leur canadienne hors d’âge et bottés de caoutchouc comme s’ils vaquaient dans leurs champs ou leur jardin potager.

Lorsque je pousse la porte en m’ébrouant, heureux d’échapper pour quelques instants aux froidures hivernales, je suis littéralement happé par le tumulte. Au point que je perçois à peine le cri de la tenancière fixant d’un regard réprobateur mes chaussures de marche crottées de boue : les pieds ! Je ressorts, râcle consciencieusement mes semelles sur le ciment et rentre. Les conversations ne se sont hélas pas calmées pour autant. La pharmacienne, en opposition perpétuelle avec l’équipe municipale, apostrophe de sa voix perçante la jeune compagne du garagiste qui vient de s’installer avec lui dans l’appartement au-dessus de l’atelier et qui n’en peut mais. Vous trouvez ça normal, vous, que le prix des fraises ait pratiquement triplé en deux mois ? Elle n’en sait rien, la pauvre. Il ne lui viendrait même pas à l’esprit d’en poser une barquette sur la table lorsque son homme consent enfin à abandonner ses vidanges et autres rafistolages de vieilles guimbardes de paysans retraités qui ne circulent plus guère que par les chemins de terre et les allées forestières.

Qu’importe, de toute façon, puisque c’est la mère du boulanger parti aujourd'hui vers des cieux plus cléments qui répond par une autre question adressée à notre ancien professeur d’université reconverti en dernier adjoint au maire. Vous leur avez appris quoi, à nos jeunes ? Ils ne savent même plus rédiger une étiquette en bon français. On y voit des oranges de Corse cultivées en Grèce, muries au Mexique malgré leur "origine France" inscrite en bleu-blanc-rouge ! Et l’algarade d’exploser du côté des alignements occupant tout un mur de magazines aux couleurs aguichantes par l’apostrophe acrimonieuse du précédent secrétaire mairie qui ne manquerait pas une occasion de remarquer que, décidément, c’était mieux avant et dressant du poing levé le dernier numéro de la Revue du Chasseur : t’as pas encore reçu celui de janvier ?

Je tente de me faufiler discrètement vers les corbeilles de pain mais je dois, pour les atteindre, contourner l’épouse du Garde Champêtre, bien que ce titre n’existe plus dans la nomenclature communale. Surveillant son cabas rempli de légumes posé sur le sol, elle explique à sa voisine son indignation devant le coût, exorbitant selon elle, des poireaux bios dont elle vient de faire l’emplette sur le marché. Refusant de donner corps, une fois de plus, à ma réputation de vieux bougon, j’essaie alors d’intervenir en douceur. Vous savez que la part de nos étalages locaux ne représente plus qu’à peine 8% du marché global ? Prises de court, les deux interlocutrices se regardent avec étonnement. Mais avant qu’elles ne reprennent la parole et pour profiter du silence qui s’abat d’un coup, je persiste à faire mon savant : de toute façon, le bio ne représente chez nous que 7 à 8% des ventes de fruits et légumes. Il est bien trop cher pour les petites bourses !

Alors, si j’ai bien compris, résume le mari de la patronne qui milite depuis toujours avec les syndicats, les producteurs de bio, ils travaillent en fait pour les 10% les plus riches !

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Commentaires
L
Cher Vieux Bougon, Serge Joncour me gratifie d'un sublime texte "Chaleur humaine" que je vous conseille vivement 😉
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L
Il ne faut pas se moquer des riches, ça peut nous arriver un jour.
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