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Chroniques d'un vieux bougon
10 juin 2019

Oradour sur Glane

oradour

    Le soleil inonde la campagne. Les vaches sont dans les prés où l’herbe est grasse. Les enfants sont à l’école. Les femmes font quelques courses à l’épicerie ou chez la mercière, hauts lieux de rencontres avec l’église. Le maréchal-ferrant et le docteur échangent quelques mots au sujet d’une cohorte motorisée de l’armée allemande remontant vers la Normandie où les alliés ont débarqué quatre jours plus tôt. Mais on ne s’en inquiète pas outre mesure ici. Les Boches semblent bien trop pressés de gagner leur nouveau front pour s’attarder. Pourtant, vers 14 heures, un détachement du premier bataillon du quatrième régiment de Panzergrenadier "Der Führer" de la panzerdivision de la Waffen SS "Das Reich", se présente. Sous le prétexte de contrôler l’identité des habitants, ils rassemblent toute la population sur la place du Champ de Foire.

Après discussion avec le maire qui tente l’impossible pour protéger ses administrés les femmes et les enfants sont conduits jusqu’à l’église. Les hommes sont regroupés et entraînés vers les garages, les granges et les remises. Le Stuhrmann führer, soi-disant à la recherche d’un dépôt de munitions, ordonne une perquisition générale. L’attente est longue. Assis dans le foin, les jeunes discutent à propos du match de foot prévu pour le lendemain. Les SS, armes sur l’épaule, semblent décontractés et chahutent entre eux. (La plupart ont entre 18 et 20 ans.) Les mitrailleuses orientées vers les lieux ont sont parqués les hommes représentent la seule vraie menace. Soudain, une détonation retentit.

Les SS se ruent sur leurs armes et font feu. Ils tirent pour tuer. Pas de survivants ! Ils recouvrent les corps des hommes de paille et de fagots et y mettent le feu. Dans l’église, ils disposent une caisse de fumigènes dans le but d’asphyxier les femmes et les enfants. À moins que ne soit pour ne pas voir leurs corps s’effondrer car ils ouvrent les portes et mitraillent à l’aveugle. Le village est ensuite incendié, méthodiquement, maison par maison, hangars, remises, appentis. Dans sa rage meurtrière, la force brune ne veut pas laisser de traces. Lorsqu’ils reprennent leur route vers le nord, les SS abandonnent derrière eux 642 victimes. Une femme et cinq hommes survivront malgré tout.

Robert Hébras est l’un d’eux. Dans un beau livre témoignage, "Avant que ma voix ne s’éteigne", il raconte. Car malgré l’émotion qui à chaque fois l’étreint, il parle. Il parle aux jeunes des écoles, des collèges et des lycées français comme aux jeunes allemands, à celles et ceux qu’il guide à travers les ruines, à la radio, à la télévision. Il raconte encore et toujours. Simplement. Avec ses mots à lui. Pour que, comme disait le Général de Gaulle, un malheur pareil ne se reproduise jamais.

Hélas, si l’Histoire ne se répète pas, les vents mauvais n’en continuent pas moins de souffler sur nos sociétés individualistes nourries de peurs. Peur du changement, peur du lendemain, peur de la différence, peur des autres. Oubliant les leçons du passé encore si proche, nos sociétés marchent à grands pas sur les chemins noirs de l’individualisme et du chacun pour soi.

Pourtant, combien d’autres Juifs encore auraient péri dans les camps d’extermination nazis si ceux que l’on appelle les Justes avaient choisi l’individualisme ? Comment se serait déroulée la libération de la France en 1944 si ceux que l’on appelle les Résistants avaient choisi l’individualisme ? Combien d’hommes, de femmes et d’enfants mourraient noyés dans la Méditerranée si ceux que l’on appelle les Humanitaires choisissaient l’individualisme ? Combien d’hommes, de femmes et d’enfants souffriraient dans leur corps et leur âme ou mourraient encore aujourd’hui de froid, de faim, de maladies, d’abandon ou de solitude si ceux que l’on appelle les Bénévoles choisissaient l’individualisme ?

L’impasse individualiste où nous nous enfonçons ne peut et ne pourra que conduire au retour des années de plomb. Et les témoignages de tous les Robert Hébras du monde, les sacrifices des Résistants morts en combattant et les dévouements des Justes, des Humanitaires et autres Bénévoles n’auront servi à rien.

(Lire "La page de catéchisme" d’Albert Valade aux éditions de la Veytizou et "Avant que ma voix ne s’éteigne", de Robert Hébras, propos recueillis par Laurent Borderie, Elytel éditions)

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Commentaires
C
Parmi les SS, des alsaciens et notamment dans la Division DAS REICH, contrairement à ce qu'on lit ici et là, il ne s'agissait pas de Malgré Nous, car les SS n'engageaient que des volontaires convertis à leur idéal; bizarre que les archives de leur procès ne seront consultables qu'en 2050 !
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L
Je suis sans voix...
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